Si la contre-proposition #6 (suppression pure et simple de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique) est une condition nécessaire pour enclencher ce mouvement, elle n’est pas suffisante. La HATVP supprimée, les personnalités issues du monde de l’entreprise comme de la fonction publique auront une barrière en moins à franchir pour investir le champ politique sans pour autant y faire carrière ad vitam æternam.
Trois difficultés demeurent attachées à la condition du responsable politique en France en 2025 : d’abord, à l’instar des professions les plus essentielles au bon fonctionnement du pays (enseignants, médecins, soignants, policiers, militaires…), un maire est notoirement sous-payé par rapport à son niveau de responsabilité envers la collectivité. Il perçoit d’une commune de moins de 20 000 habitants une indemnité mensuelle brute située entre 1 048 et 2 672 euros. Ensuite, le responsable politique en France, surtout au niveau national, paraît de plus en plus déconnecté des réalités concrètes, des gens, du terrain et peut être tenté de tromper son ennui en produisant un maximum de propositions de lois toutes plus improbables les unes que les autres.
Ainsi, au titre de la XVIIe législature (qui a démarré après la dissolution l’été dernier), on compte des centaines de propositions de loi. Pour le seul 1er avril – et ce n’est pas un poisson d’avril – 40 propositions de loi ! Cela va de « exonérer les confréries de l’accise de 50 litres d’alcool pur fabriqués par un bouilleur de cru pendant la campagne de distillation » à « créer un arrêt de travail indemnisé et un aménagement en télétravail pour menstruations incapacitantes », en passant par « restituer les effets de l’émir Abdelkader à la République algérienne démocratique et populaire ». Enfin, les élus français sont beaucoup trop nombreux. L’empilement, et donc la dilution des responsabilités, facteur de paralysie et d’indécision, et le fameux mille-feuille administratif nous donnent ce record mondial : la France compte 567 222 élus locaux et nationaux ! Un élu pour 100 personnes… C’est un peu moins que les délégués de classe de notre enfance. Mais c’est beaucoup trop.
Paris doit écouter les maires
Cette situation ne peut plus durer. Avec d’un côté la multiplication des prérogatives, et donc l’émiettement des responsabilités, qui décide entre le maire, le président de la communauté urbaine, de la communauté de communes, le président du conseil général, régional… ? Et quel interlocuteur le préfet peut-il avoir ? Les réunions à quinze pour ne rien décider, la perte de temps, d’énergie, de motivation, d’argent… et d’efficacité.
567 222 nombres d’élus locaux et nationaux en France
Et de l’autre côté la décision folle de François Hollande (le même qui avait créé la HATVP) d’interdire le cumul des mandats. Désormais, un député, un sénateur, ne peut plus être maire ni président de conseils généraux ou régionaux. C’est la double peine pour les élus et le peuple : les élus nationaux sont peu à peu déconnectés du terrain et de leurs électeurs, et choisis par les sièges parisiens des partis – prime aux apparatchiks et aux Yes Men ; les élus locaux, pour leur part, ont moins de leviers et d’accès pour porter au plan national les priorités qu’eux, contrairement aux parlementaires nationaux, éprouvent sur le terrain. Il est aujourd’hui acquis que le désastre des Gilets jaunes aurait pu être évité si les maires avaient été davantage représentés et écoutés à Paris.
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Rétablir le cumul des mandats
Notre huitième contre-proposition est double : d’abord, rétablir dès que possible le cumul des mandats des sénateurs-maires, députés-maires, sénateurs-présidents de conseils généraux, députés-présidents de conseils régionaux, etc. Nos responsables politiques doivent avoir du poids à Paris comme localement ; ils redonneront, particulièrement à l’Assemblée nationale, du sens et de la pertinence à leur travail législatif, parce qu’il sera enraciné dans le réel et non dans les lubies idéologiques d’un parti parisien. Ensuite, ils gagneront beaucoup mieux leur vie qu’aujourd’hui, ce qui permettra d’attirer davantage de talents, notamment du monde de l’entreprise.
Un député-maire, un sénateur-maire pourra percevoir entre 10 000 et 15 000 euros par mois. C’est encore loin des rémunérations de dirigeants d’entreprise, mais on se rapproche du prix de leurs lourdes responsabilités. Dans la foulée de ce changement nécessaire, le prochain exécutif devra s’engager à diviser par deux le nombre d’élus en France, notamment en supprimant les échelons intermédiaires superflus ou les communes trop petites devant être fusionnées.
Si, à l’évidence, il existe un échelon de trop entre le conseil général et le conseil régional ou entre les villes, communautés de communes et communautés urbaines, ce n’est évidemment pas aux élus eux-mêmes qu’il faut demander de trancher (ils n’y ont pas intérêt, à titre personnel), mais bien au peuple français, par référendum, pour qu’il puisse enfin être représenté et gouverné non pas par une cohorte pléthorique impuissante, mais par une phalange d’élus puissants, responsabilisés et moins nombreux.
18 000 euros, salaire mensuel brut moyen d’un dirigeant de petite société
La Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) estime que le seul regroupement de communes, donc la diminution du nombre d’élus liée, générerait entre 2,8 et 3,7 milliards d’euros par an. Mais le gain pour la nation sera bien supérieur, avec des élus moins nombreux, mieux connectés au réel, davantage responsabilisés. Éviter les Gilets jaunes bis, ou ter, n’a pas de prix.
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