Le protectionnisme, disait l’économiste américain Henry George, consiste à s’infliger en temps de paix ce que nos ennemis nous infligent en temps de guerre. De même que les zélateurs de la dictature cubaine attribuent sa misère à un supposé blocus américain avant de pester contre les ravages du libre-échange sans y voir la moindre contradiction, les sanctions destinées à empêcher l’Iran d’importer et d’exporter librement n’ont pas pour objectif d’enrichir Téhéran. Mais tandis que les restrictions commerciales appliquées à des pays hostiles sont devenues une arme de guerre comme une autre, les protectionnistes nous assurent que les nations s’enrichissent lorsqu’elles sabotent l’activité de leurs entreprises importatrices.
De quoi rassurer les pays qui avaient manifesté leur désarroi contre ces mesures protectionnistes avec plus ou moins de sincérité. En effet, les nations les plus bruyantes contre les dispositions de Monsieur Trump ne sont pas toujours les économies les plus ouvertes. Entre les envolées lyriques chinoises sur les bienfaits de la mondialisation et les pratiques commerciales de l’empire du milieu, il y a parfois un gouffre. Bien sûr, la Chine est aujourd’hui plus ouverte au commerce international qu’elle ne l’était durant sa période maoïste : la valeur relative des importations comparée au PIB chinois est passée de 3 % à 18 % entre 1960 et 2020. Reste que la Chine est loin des standards occidentaux en matière d’échanges commerciaux : « Le système d’approbation protectionniste de la Chine pour les investissements étrangers reste restrictif et manque de transparence. Le gouvernement continue de maintenir un contrôle strict sur le système financier », observe le think tank américain Heritage Foundation, qui publie chaque année son indice de liberté économique.
Il n’est pas jusqu’aux contempteurs les plus zélés du capitalisme qui ne prennent conscience de la valeur du commerce international
À dire vrai, tous les pays pratiquent, à divers degrés, des formes de protectionnisme sectoriel en fonction de leur désir de favoriser telle catégorie de producteurs au détriment de leurs citoyens. Trump reproche aux Européens leur protectionnisme dans le domaine agricole et déplore que le Japon ou la Corée se refusent aux voitures américaines en raison de barrières non tarifaires arbitraires. Mais le Buy American Act contribue lui-même à faire des marchés publics américains une forteresse bien gardée, au détriment des contribuables à qui l’on interdit de profiter de meilleures solutions que celles des fournisseurs locaux.
Reste que le trumpisme a un avantage. Grâce à lui, il n’est pas jusqu’aux contempteurs les plus zélés du capitalisme qui ne prennent conscience de la valeur du commerce international et ne s’inquiètent des effets des entraves qu’on lui oppose. « Ça va être affreux pour le peuple américain », s’est émue Sandrine Rousseau, qui a, le temps d’une seconde, abandonné son tropisme décroissant pour se muer en fervente disciple d’Adam Smith. Il en va de même du communiste Fabien Roussel, qui a averti que les droits de douane conduiraient à une baisse du pouvoir d’achat des Américains. On aurait presque envie que Trump étatise tous les moyens de production pour le seul plaisir d’observer les réactions de notre classe politique.
La suite après cette publicité
Sandrine Rousseau et Fabien Roussel volent au secours… du libre-échange
Face à la posture américaine, certains pays sont tentés de « répliquer » par des mesures de rétorsion ou d’infliger aux Américains un pied de nez par l’exemple. Ici, la sémantique est piégée. Toute l’ambiguïté de cette « réplique » tient à ce qu’elle nuirait autant aux Américains qu’aux citoyens des pays qui s’y vautreraient. Est-ce parce que certains se tirent une balle dans le pied qu’il faut les imiter ? Non, rétorque le gouvernement helvétique : « Une escalade n’est pas dans l’intérêt de la Suisse », a prévenu la présidente de la Confédération, qui a renoncé à toute surenchère en matière commerciale. Une sagesse suisse dont le monde gagnerait à s’inspirer.
Source : Lire Plus






