Gérald Darmanin voulait « leur rendre la vie impossible ». En octobre 2022, le garde des Sceaux, alors ministre de l’Intérieur, s’attaquait à bras-le-corps aux prérogatives des individus sous OQTF. Dans la foulée du meurtre de Lola Daviet, 12 ans, par une Algérienne visée par une mesure administrative d’éloignement, l’ancien locataire de Beauvau avait par ailleurs demandé aux préfets d’appliquer plus fermement ces décisions.
Nous voilà en 2025 et les ressortissants étrangers ciblés par une procédure d’expulsion peuvent toujours – entre autres – se marier, acheter un bien immobilier ou encore s’inscrire à l’université en France. Une situation « ubuesque » dénoncée par Robert Ménard, poursuivi en justice pour avoir refusé d’unir un Algérien sous OQTF et une Française en 2023. Pour cet affront, le maire de Béziers risque jusqu’à cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité. Une loi déposée par le sénateur centriste Stéphane Demilly, adoptée au Sénat et actuellement examinée par la commission des lois à l’Assemblée, pourrait bientôt changer la donne. Mais d’ici là, les étrangers sous OQTF sont libres de se marier.
Acquérir un bien immobilier
Peuvent-ils devenir propriétaires ? Le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, Didier Leschi, « doute que l’on puisse obtenir un crédit bancaire sans titre de séjour ». Et pourtant… En février dernier, Laurence*, agent immobilier dans la Loire, a bel et bien vendu un appartement à un ressortissant albanais visé par une mesure d’éloignement. « Quand sa femme m’a dit qu’il faisait l’objet d’une OQTF, je me suis dit que la banque et les notaires ne signeraient jamais… », confie-t-elle au JDD.
Sur le papier, rien n’empêche un étranger d’acheter un bien en France. « Si demain, un individu sous OQTF se présente comme acquéreur, je n’ai absolument aucun moyen de savoir que celui-ci est visé par cette mesure, nous glisse un notaire parisien. Et même si j’en avais connaissance, je n’aurais aucun recours pour empêcher la vente ». La loi française ne réserve pas la propriété immobilière aux seuls ressortissants nationaux. Elle n’exige donc pas de titre de séjour pour finaliser une vente. Comment éviter alors que des individus sous OQTF deviennent propriétaires ? Le sénateur LR Alain Joyandet propose d’inclure, parmi les formalités obligatoires, la production par le notaire d’un document attestant de la régularité du séjour de l’acheteur étranger.
D’ici là, encore une fois, un étranger visé par une mesure d’éloignement pourra tout à fait acquérir un bien sûr le territoire. Il pourra même le financer grâce à un prêt bancaire, comme dans le cas évoqué par Laurence. L’article L. 312-1 du Code monétaire et financier prévoit que toute personne physique ou morale domiciliée en France a droit à l’ouverture d’un compte de dépôt dans l’établissement de crédit de son choix, sous réserve d’être dépourvu d’un tel compte en France. La vérification du droit de séjour ne figurant pas dans les dispositions réglementaires, un étranger en situation irrégulière peut ainsi, grâce à un simple justificatif de domicile et un document d’identité valide de son pays, ouvrir un compte bancaire. Libre à sa banque de lui accorder ou non un prêt – là aussi, la vérification du droit au séjour n’est pas systématique.
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Études, soins médicaux, transports
S’inscrire à l’université ne nécessite pas non plus de titre de séjour… Sont seulement exigés par la loi : la justification, dans le pays où ils ont été obtenus, des titres ouvrant droit aux études envisagées ; le dépôt d’une demande d’admission auprès d’une université ; la justification d’un niveau de compréhension du français adapté à la formation envisagée.
Pour ce qui est de l’aide médicale d’État (AME), les sénateurs ont bien tenté de la supprimer lors de l’examen de la loi immigration portée par Gérald Darmanin. En vain. Rétablie en commission des lois par les députés, cette prestation sociale permet aujourd’hui à environ 460 000 étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une prise en charge à 100 % de leurs soins médicaux et hospitaliers, qu’ils soient sous le coup d’une OQTF ou non. Le coût de cette protection santé ? 1,2 milliard d’euros en 2024.
En réalité, l’obligation de quitter le territoire français, hors l’injonction que son intitulé contient, ne s’accompagne d’aucune restriction supplémentaire. « Ce n’est pas l’OQTF, mais l’absence de droit au séjour d’un étranger qui entraîne des conséquences sur les droits auxquels il peut prétendre », précise au JDD le ministère de l’Intérieur. En France, l’absence de séjour n’empêche ni de se marier, ni d’acheter un bien immobilier, ni d’étudier. Elle permet même – si vous profitez déjà de l’AME et que vous résidez en Île-de-France – d’obtenir une réduction de 50 % sur le prix de vos titres de transport…
Pour rappel, 140 000 obligations de quitter le territoire français ont été prononcées en 2024 pour seulement 20 000 retours.
* Le prénom a été modifié.
Source : Lire Plus






