
La France traverse une période de profonde mutation. La sécurité nationale et internationale de notre pays est aujourd’hui confrontée à des défis inédits, exacerbés par un contexte géopolitique en perpétuelle recomposition. La montée des tensions à l’échelle mondiale, l’augmentation des attaques cybernétiques, la fragilité des frontières numériques et la sophistication croissante des menaces, portées par des acteurs étatiques comme non étatiques, redéfinissent les contours de notre modèle de défense et de sécurité. Dans ce contexte, la coopération entre les forces publiques, les territoires, et les industries et services de sécurité privée revêt une importance stratégique majeure.
Publicité
Historiquement, la sécurité de l’État repose sur une division stricte entre sphère publique et privée. Mais cette séparation est aujourd’hui obsolète face à la diversité des menaces et à la complexité des terrains d’affrontement. Les forces de l’ordre, les collectivités territoriales et les entreprises de sécurité privée doivent former un tissu coordonné où les compétences s’additionnent au lieu de se concurrencer.
La suite après cette publicité
À l’horizon 2030, l’architecture de la sécurité nationale devra être repensée
Pourtant, la réalité est souvent marquée par une coopération trop timide, freinée par des cloisonnements administratifs et des réticences culturelles. Pour répondre efficacement aux menaces hybrides, il est impératif de construire un partenariat de confiance, qui fasse la part belle aux innovations technologiques, à l’adaptabilité opérationnelle et à la résilience.
La suite après cette publicité
Hybridation du danger
Les menaces qui se dessinent sont polymorphes. Le terrorisme, loin d’être éradiqué, mute pour exploiter les faiblesses de nos démocraties. Le risque cybernétique, quant à lui, se généralise et se complexifie, mettant à mal non seulement nos infrastructures critiques, mais également notre souveraineté économique et politique.
Les cybercriminels et les capacités croissantes en intelligence artificielle (IA) modifient en profondeur les rapports de force : les systèmes automatisés de surveillance, de reconnaissance faciale, ou les décisions basées sur l’IA transforment le champ de la sécurité et de la défense. Mais cette évolution porte en elle un paradoxe : si l’IA ouvre de nouveaux possibles, elle constitue également une source de risque lorsque son utilisation échappe à tout contrôle éthique et démocratique.
La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Déficit de culture sécuritaire
Un des défis majeurs de la France réside dans le déficit de culture sécuritaire partagée entre les différents acteurs de la sécurité et l’opinion publique. Contrairement à d’autres pays européens et alliés du monde anglo-saxon, où la sécurité nationale est perçue comme une responsabilité collective impliquant citoyens, entreprises, institutions, il existe en France un manque de cohérence culturelle sur ce sujet.
En Allemagne ou en Israël, par exemple, la perception et l’organisation de la sécurité intègrent la formation des citoyens, tandis que l’éducation à la sécurité est partie intégrante du parcours scolaire. En France, l’absence de structures de dialogue entre le public, le privé, et la société civile existe depuis trop longtemps. Il est impératif d’établir en France une même compréhension commune des risques et des enjeux, où chaque acteur, du citoyen au grand industriel, est sensibilisé à son rôle dans la chaîne de protection de la nation.
À l’horizon 2030, l’architecture de la sécurité nationale devra être repensée autour de trois axes : la transversalité, la territorialisation et l’intégration technologique. La transversalité vise à supprimer les silos entre acteurs publics et privés, en favorisant une collaboration systématique autour d’un objectif commun : la protection des citoyens et des infrastructures.
La crise sécuritaire que nous traversons est aussi une crise identitaire
La territorialisation repose sur une implication accrue des collectivités locales, véritables capteurs de terrain capables de détecter les signaux faibles et de réagir avec réactivité. Enfin, l’intégration technologique implique de doter chaque échelon d’outils modernes, fondés sur le savoir-faire pour anticiper, neutraliser et, le cas échéant, riposter aux nouvelles menaces.
Créer un Haut Conseil de la sécurité intégrée
Pour répondre aux enjeux contemporains, la création d’un Haut Conseil de la sécurité intégrée serait une mesure structurante. Composé de représentants de l’État, des collectivités territoriales, des industries de défense, des entreprises de sécurité privée et du secteur technologique, ce Conseil aurait pour mission de définir les grandes stratégies en matière de sécurité, de coordonner les efforts de recherche et développement dans le domaine, et d’assurer une diffusion cohérente des bonnes pratiques. Ce Conseil permettrait également de renforcer le dialogue entre la société civile et les forces de l’ordre, afin de restaurer un lien de confiance souvent mis à mal.
Mais au-delà de ces mesures techniques, il est impératif de se pencher sur les fondements profonds de notre société. La crise sécuritaire que nous traversons est aussi une crise identitaire, une perte de repères qui alimente les fractures sociales. Sécuriser le pays, ce n’est pas seulement le protéger des dangers extérieurs ; c’est aussi reconstruire le socle commun de valeurs qui fait la force d’une nation. Une politique de sécurité intégrée doit donc s’accompagner d’un effort culturel et éducatif pour recréer du lien, restaurer l’autorité de l’État, et réaffirmer ce qui nous unit en tant que citoyens français.
En 2030, notre sécurité ne dépendra plus seulement de la force de nos armées ou de l’efficacité de nos services de renseignement. Elle sera le fruit d’une alliance entre innovation, confiance mutuelle et engagement collectif. C’est cette vision, ambitieuse mais nécessaire, que la France doit porter dès aujourd’hui. Les derniers propos de François-Noël Buffet, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, sont encourageants et vont dans ce sens…
Source : Lire Plus