
Louis XIV, au crépuscule de sa vie – il allait mourir quelques semaines plus tard –, mit un point d’honneur à recevoir dans la galerie des glaces du château de Versailles l’envoyé du Grand Shah de Perse. Il le fit en considération de ce que pourrait lui apporter un allié aussi lointain, aux prises avec le tsar de toutes les Russies qui n’était pas non plus notre ami. Moins d’un siècle plus tard, ce fut au tour de Napoléon d’envoyer en Perse un ambassadeur qui s’assurerait que l’« allié de revers » l’était toujours. Cette continuité dans notre politique extérieure avait une justification – la Russie – qui a disparu et s’inscrivait dans un contexte, celui des droits de la personne humaine, qui n’est plus le même.
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Depuis la« révolution de 1979 », ce grand pays que demeure l’Iran a été investi par une caste religieuse fanatique qui en a fait la base du messianisme chiite au Moyen-Orient et qui représente à la perfection l’antithèse de toutes nos convictions et de tous nos principes sociétaux, moraux, religieux et politiques. Terre de haute culture, l’Iran l’est demeuré et ce serait une lourde et injuste erreur que de le contester. Mais le fanatisme s’en est mêlé, nos faiblesses se sont alourdies et le Proche-Orient est devenu une zone de turbulences dont nous croyons devoir nous mêler, sans doute à juste titre.
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Fanatisme islamique
Pour faire simple, l’Iran est à nos portes et nous renvoie l’image de ce que fut dans les siècles derniers notre propre impérialisme. Avec une nuance : le fanatisme d’un islam dévorant, très loin de l’islam de tolérance et de paix que nous n’avons pas su soutenir.
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L’Iran est ainsi devenu notre ennemi, par les abjectes prises d’otages qui se succèdent, en tout cas un pays « sensible » pour reprendre le vocabulaire des services de renseignement. Ses dirigeants – religieux – ne nous veulent guère de bien et leurs intérêts jusqu’à Mayotte contredisent les nôtres. Les dernières déclarations des dirigeants iraniens à ce sujet ne laissent place à aucun doute. C’est leur droit, comme c’est le nôtre de nous prémunir contre leurs entreprises, comme il est de notre honneur de tenir ferme sur notre amitié avec l’État d’Israël.
Ils sont allés jusqu’aux limites du supportable en bafouant les droits de l’Homme
On devrait s’attendre à ce que notre diplomatie regarde dès lors d’un bon œil les Iraniens exilés dans notre France comme des visiteurs souhaités et même comme des amis. Ils sont nos hôtes depuis des dizaines d’années, se conduisent parfaitement, nous apportent leur richesse intellectuelle et morale, leur esprit de résistance et de tolérance. J’aimerais écrire que nous leur retournons notre fraternité, sans calcul, sans restriction. Et nous l’avons fait longtemps. J’en fus le témoin, j’en fus l’un des acteurs.
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Auparavant un allié, désormais une menace
Malheureusement le vent a tourné, ceux qui devraient sinon s’opposer du moins se tenir à l’œil, se sont rapprochés et ont même osé l’impensable depuis les années 2000, une coopération avec une des plus sinistres polices politiques qui soit, le Vevak (service de renseignement iranien). Voici une vingtaine d’années, les responsables des deux services ont même tenté l’impensable, liquider l’opposition iranienne en France. Ils sont allés jusqu’aux limites du supportable en bafouant les droits de l’Homme, en foulant aux pieds nos principes sacrés. Ils ont repoussé les limites du cynisme d’État. Il a fallu qu’alors un certain nombre de Français comme Maître Leclerc, des hommes et femmes politiques intègres de droite comme de gauche, et des juges irréprochables, se lèvent et rugissent pour que cesse le crime.
Vingt ans après, le rapport de force n’est plus le même. Les mollahs sont complètement isolés à l’intérieur comme à l’extérieur. La résistance iranienne est plus renforcée que jamais. Mais nous sentons la menace que fait peser le régime : celle d’un chantage à l’otage. Il s’agit de discréditer dans les médias, celles et ceux qui refusent depuis des décennies de se soumettre à la dictature religieuse. Il nous faut donc redoubler de vigilance, nous souvenir que l’ochlo-théocratie iranienne menace nos intérêts et la sauvegarde de nos hôtes et amis, les démocrates iraniens, à commencer par la première d’entre eux que je connais depuis quarante ans, Maryam Radjavi. N’allons pas chercher plus loin le centre de nos intérêts, désignons les véritables menaces, ne retombons pas dans le piège d’une fausse alliance au rebours de ce que nous sommes, en méconnaissance de notre sécurité.
Que vive l’Iran démocratique. Notre Iran à tous.
*Yves Bonnet, Préfet de région honoraire, ancien directeur de la DST.
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