On ne peut pas dire que Donald Trump n’aura pas prévenu ou qu’il est finalement si imprévisible que cela, car cette histoire de droits de douane, il en a fait un cheval de bataille depuis des décennies. Dans une vidéo exhumée des méandres d’Internet datant de 1983, il fustigeait déjà des pays comme le Japon, où il était très difficile d’exporter les produits américains alors que les États-Unis étaient déjà inondés de produits nippons à gogo. C’était selon lui déjà une terrible marque de faiblesse de la part de la première puissance américaine.
Le 2 avril dernier, le 47e président des États-Unis a donc mis à exécution ce plan tant rêvé, qu’il n’avait peut-être pas osé imposer lors de son premier mandat. Plus fort, plus structuré, plus déterminé, Trump vient donc d’imposer quasiment à la terre entière des pays réfractaires à vouloir rééquilibrer leur balance commerciale avec Washington, des tarifs douaniers de l’ordre du jamais vu. Sans élégance, ni nuance, et sur la base d’un tableau économique un peu obscur, présenté lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche.
Héritier de William McKinley, 25e président des États-Unis qu’il cite désormais à souhait, Trump s’est aussi beaucoup appuyé sur les travaux de Stephan Miran, un économiste américain qui a précédemment servi en tant que conseiller principal en politique économique au département du Trésor de 2020 à 2021, sous la direction de Steven Mnuchin. L’homme est également stratège principal chez Hudson Bay Capital Management et cofondateur de la société de gestion d’actifs Amberwave Partners.
« Tout le monde glose pour savoir si ce programme radical aura un impact à terme positif »
Miran est connu pour ses positions en faveur de l’imposition de tarifs douaniers significatifs, suggérant que les États-Unis pourraient bénéficier de tarifs moyens d’environ 20 %, voire jusqu’à 50 %, contrairement au taux actuel de 2 %. Il estime que ce sont ces tarifs qui pourraient aider à corriger les déséquilibres commerciaux et à renforcer l’industrie manufacturière américaine.
Depuis des semaines, tout le monde glose pour savoir si ce programme économique radical aura un impact à terme positif sur l’économie des États-Unis et la redressera. Depuis des jours, rien n’est moins sûr : la Bourse a dévissé, les pays soumis aux nouvelles taxes ripostent menaçant de relancer l’inflation américaine, les Américains ont perdu une grande partie de leur épargne, et Trump considère que tout cela est passager. Mais ils sont des millions à manifester dans tout le pays depuis plusieurs jours. Est-ce déjà la fin de l’état de grâce du nouveau président ?
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Il faut y ajouter évidemment la colère qui est montée depuis qu’Elon Musk, via son département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE), a fait un grand ménage de printemps dans l’administration américaine, poussant dehors des millions de fonctionnaires désormais sans emploi ! « Il faut souffrir pour être beau », ou quelque chose du genre, pense sûrement Donald Trump. Il est vrai qu’à terme, l’objectif de ce chaos provisoire est de faire naturellement dévaluer le dollar, qu’il considère comme bien trop haut, pour faciliter les exportations américaines partout dans le monde. C’est cela qui amènera les États-Unis à rayonner à nouveau, au détriment de ses ennemis et de ses partenaires-vassaux.
Ce que l’on constate c’est que ceux qui se sont entêtés face à Trump n’ont toujours pas compris sa façon de fonctionner : soit l’on discute, soit l’on refuse de négocier, ce qui est un droit fondamental, mais comme Trump est l’homme le plus puissant du monde, cela n’a pas beaucoup de sens pour les intérêts justement des pays directement touchés par ses mesures violentes.
« Notre entêtement mérite une sérieuse réflexion au nom des intérêts vitaux des Européens »
Preuve en est, le Canada et le Mexique avaient déjà commencé à négocier et ils n’ont pas été frappés davantage par les taxes le 2 avril dernier. On peut reprocher à Trump son transactionnalisme et sa logique de marchand de tapis, mais quel choix avons-nous à part rehausser à notre tour nos droits de douane dans une course à l’échalote sans fin ou plier, car nous ne sommes pas en position de force du tout ?
C’est terrible, mais notre entêtement mérite une sérieuse réflexion au nom des intérêts vitaux des Européens. Il en va de même pour le budget de la défense des États membres de l’Union européenne et membres de l’Otan, qui trop longtemps ont feint de ne pas entendre les menaces américaines. Qu’a-t-on à y gagner à résister, à regarder passer le train ? Doit-on voir cela comme une capitulation ou un arrangement-marchandage pour survivre ? La question reste entière et à l’appréciation de chacun, mais la résistance coûte souvent bien cher pour pas grand-chose.
*Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au CNAM Paris (Équipe Sécurité Défense), à l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée (IEGA Paris), au NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire Géostratégique de Genève (Suisse).
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