Il est des souvenirs plus profondément ancrés que d’autres dans une carrière. La nostalgie, l’affection, les marqueurs professionnels… Celui-ci tient un peu des trois parce que vingt-trois ans ont passé et que cela paraît fou, parce qu’on a suivi de près ou de loin toute la carrière de Richard Gasquet et, surtout, parce qu’on a eu le privilège d’être présent le jour J. Il ne faisait pourtant pas très beau sur Monte-Carlo en ce lundi 15 avril 2002.
D’un côté, l’Argentin Franco Squillari, 26 ans, récent demi-finaliste de Roland-Garros, l’archétype du « crocodile » pénible à jouer. De l’autre, cet improbable ado dans son immense polo Lacoste couleur brique, sorte de Gavroche à raquette mais sans casquette (pas encore). On le sait, le « minot » est très fort, il s’est vaillamment extirpé des qualifications pour s’offrir son premier match chez les grands.
Trois sets (7-6, 3-6, 7-5) plus tard, avec cran, talent et ce revers à une main qui ne tardera pas à être associé à son nom, le Biterrois, follement acclamé, devient à 15 ans et 10 mois le plus jeune vainqueur d’un match en Masters 1000, la crème du tennis hors Grands Chelems. Dans la salle de presse du Monte-Carlo Country Club, c’est l’ébullition.
Le regretté Guy Barbier, rédacteur en chef de Tennis Magazine, jubile et scotche aux portes les Unes d’un numéro de 1995 avec Richard Gasquet, 9 ans, en couverture et cette question : « Le joueur que la France attend ? ». Dans les couloirs, l’irremplaçable Patrice Dominguez, directeur du tournoi, nous souffle : « Il faudra bien le protéger, vous, nous, le public. C’est un joyau. »
Son père et premier entraîneur, Francis, sa mère Maryse, racontent avec émotion, accent occitan en prime, l’histoire de leur « petit Richard », né à Béziers et grandi au tennis à Sérignan, le QG de la famille. Et le voici qui arrive, encore en tenue mais étonnamment calme. Nous ne sommes qu’une petite poignée de journalistes, le gros de la troupe arrivant généralement le week-end. La voix est hésitante, en pleine mue, les mots sortent difficilement. Timidité, découverte.
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Trois ans plus tard, il infligera sur le même court une défaite inoubliable à Roger Federer avec une balle de match d’anthologie et lancera véritablement sa magnifique carrière. Depuis, « Richie » a été 7e mondial, il a gagné 16 tournois, joué trois demi-finales en Grand Chelem, remporté la Coupe Davis et à 38 ans, les organisateurs du tournoi monégasque ont eu l’excellente idée de l’inviter, comme un retour aux sources avant sa retraite cet été. De quoi garnir encore l’armoire à souvenirs.
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