
La 5e édition de Reims Polar s’est achevée par un week-end ensoleillé. Cette météo printanière aurait dû décourager le public de s’enfermer dans les salles obscures. Le contraire s’est produit : le Festival International du Film Policier, qui se tenait au multiplexe Opéraims, idéalement situé en plein centre-ville, a vu une hausse de 25 % de sa fréquentation ! Parfaitement logique au regard d’une programmation foisonnante et hétéroclite concoctée par la directrice Aude Hesbert, et des stars qui ont foulé le tapis rouge, dont le réalisateur britannique Stephen Frears à qui un émouvant hommage a été rendu. Bruno Podalydès, président du jury, a décerné son Grand Prix à Islands, de Jan-Ole Gerster (Allemagne), l’histoire d’un ancien joueur de tennis professionnel incarné par Sam Riley (Control), devenu entraîneur dans un complexe hôtelier, qui va découvrir que le paradis peut vite se transformer en enfer.
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Little Jaffna, de Lawrence Valin (France), a remporté le Prix du Jury et le Prix du Public pour sa plongée réaliste dans la communauté tamoule vivant à Paris, à travers l’angle d’un flic infiltré au sein d’une organisation criminelle. The Things You Kill, d’Alireza Khatami (Iran-Turquie), a glané le Prix du Jury et le Prix de la Critique pour son portrait d’un professeur de faculté qui soupçonne son père violent d’être à l’origine de la mort de sa mère handicapée. Enfin, un long métrage a mis tout le monde d’accord en section Sang Neuf : On vous croit, de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys (France), avec une mention spéciale accordée à son actrice principale Myriem Akheddiou, sur le sujet tabou de l’inceste.
Le maître japonais Kiyoshi Kurosawa était aussi à l’honneur dans la cité du champagne, invité pour une rétrospective de ses classiques (du thriller à l’horreur), une masterclass fleuve qui a duré près de deux heures et la présentation de l’un de ses trois prochains films qui vont sortir cette année : Cloud, sur le quotidien d’un revendeur de marchandises sur internet, identifié et bientôt menacé de mort par des clients mécontents. Comme à son habitude, l’intéressé s’est révélé enthousiaste et humble. « Je me sens extrêmement chanceux d’avoir pu travailler sans interruption pendant toutes ces années, a-t-il souligné. Sur un plateau, je suis membre d’une équipe, le processus de fabrication est collectif. Une fois que le long métrage est terminé, je le défends tout seul au cours de la promotion et il s’ajoute à la liste. Je mesure le chemin parcouru. Bien sûr que j’ai énormément de regrets, c’est le moteur qui me fait continuer, pour réparer les erreurs que j’ai commises dans le passé ou améliorer des choses que je n’ai pas bien réussies. Je veux aller toujours plus loin. »
« J’ai choisi le polar par goût et par nécessité. En vérité, je ne peux pas faire autrement »
Il a reconnu sa passion pour le cinéma de genre, qui ne va pas s’arrêter de sitôt. « Les collègues de ma génération, qui arrivent bientôt à 70 ans, ont tendance à quitter le devant de la scène et prendre leur retraite, a-t-il constaté. Ce n’est pas mon cas, sans doute la raison pour laquelle je suis entré en résistance et j’ai enclenché le turbo en tournant coup sur coup trois projets qui avaient été mis entre parenthèses à cause du Covid. »
Résultat : la sortie de Chime le 28 mai sera suivie de celle de Cloud le 4 juin et de celle de La Voie du serpent le 16 juillet ! Un par mois, de quoi rassasier les fans de la première heure du maître du suspense au pays du Soleil Levant. « J’ai choisi le polar par goût et par nécessité. En vérité, je ne peux pas faire autrement, a-t-il indiqué. Je dispose en général de peu de budget, je n’ai pas les moyens de déployer mes histoires visuellement parlant, donc j’utilise ce qui est autour de moi pour capter l’attention du spectateur. Comme il m’est impossible de montrer, je cache, je privilégie le hors-champ, je crée un dispositif qui installe une tension alors qu’on ne voit pas ce qui se joue. C’est aussi par souci d’efficacité, pour assurer le divertissement à l’écran, que j’opte pour ce type de récit. La caméra sert à saisir le réel, tout ce qui se trouve devant l’objectif. J’aime ajouter une dimension particulière, inquiétante ou mystérieuse, un élément qu’on ne comprend pas ou une perception légèrement en décalage. Ce qui favorise instantanément l’effroi ou le malaise. »
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