
La révolution IA ne s’arrête pas aux frontières du monde criminel, loin de là. Toujours enclins à faire évoluer leurs méthodes, les acteurs du crime organisé l’adoptent pour servir leurs desseins frauduleux avec une efficacité redoutable, dans de nombreux domaines : falsification de documents, impressions 3D d’armes à feu indétectables par les scanners, création de contenu pédopornographique, escroqueries ou blanchiment d’argent ultrasophistiqué. La course technologique qui s’engage entre criminels et forces de l’ordre s’annonce vertigineuse. Europol a déclenché l’alarme dans son dernier rapport, intitulé « Le changement d’ADN du crime organisé ». Pour l’agence de police européenne, les réseaux mafieux présents sur le continent sont en train de se réinventer, à grands coups d’intelligence artificielle et de crypto-monnaies.
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Les armes à feu, par exemple, continuent d’inonder l’Europe et la France : en 2024, 881 armes ont été saisies par la douane, une augmentation de 13 % par rapport à l’année précédente, dont une grande partie conçue par imprimantes 3D. « Les modèles d’IA générative permettent de mettre au point des schémas très sophistiqués pour modéliser ces armes », explique un enquêteur spécialisé. Construites à base de polymères difficilement détectables par les scanners, ces armes en 3D, préexistantes à l’IA, s’améliorent considérablement grâce à cette dernière. « Un bon module d’intelligence artificielle permet de faire des armes plus robustes et plus précises dans un délai très rapide », détaille l’agent. Ce sont les forces de l’ordre qui s’adaptent. La gendarmerie, par exemple, utilise désormais ses propres logiciels basés sur l’IA pour détecter, lors de perquisitions, des fichiers d’impression 3D présents dans l’ordinateur d’un suspect.
« Les réseaux mafieux sont en train de se réinventer »
L’usage de l’IA ne s’arrête pas aux armes à feu. Les réseaux d’immigration clandestine y recourent désormais massivement. Pour quelques centaines d’euros, des spécialistes de la fraude vendent, via des applications comme Signal ou Telegram, des titres de séjour français, italiens ou espagnols. Plus chères, de véritables cartes d’identité nationales se retrouvent également à la vente. Selon le rapport « 2025 Identity Fraud Report » du think tank Entrust Cybersecurity Institute, les falsifications numériques ont bondi de 244 % en 2024. Derrière cette explosion, la généralisation de l’usage du deepfake, cette technologie IA qui permet, entre autres, de générer des visages ultra-réalistes de personnes qui n’existent pas. Ce même deepfake qui révolutionne… la pédopornographie.
Selon un rapport consulté par le JDD, les enquêteurs du Centre national d’analyse des images pédopornographiques (Cnaip) alertent du recours de plus en plus récurrent à l’IA et au deepfake pour générer des vidéos de pornographie infantile. Certains de ces contenus vont jusqu’à mettre en scène des images de viol ou de maltraitance. Le mois dernier, Europol est parvenu à démanteler une cellule de créateurs de contenus pédopornographiques et 25 personnes ont pu être interpellées. Mais le phénomène grandit et les autorités craignent une submersion. D’autant que les différentes législations européennes ne sont pas toutes au point sur le sujet, les personnes générées par deepfake ne correspondant pas à des individus réels.
Autre activité concernée par l’IA, l’escroquerie : « On constate un usage étonnant de l’intelligence artificielle par les escrocs numériques, raconte un gendarme. Certains d’entre eux mettent volontairement en ligne des images grossièrement générées par IA, comme des loups aux yeux verts ou ce genre d’images incongrues. Ils scrutent ensuite les commentaires et repèrent les gens les plus crédules, souvent des personnes âgées, afin d’identifier leurs futures cibles ! » Autant d’utilisations qui perturbent les radars des forces de l’ordre, contraintes à l’adaptation permanente en face de trafiquants particulièrement souples et rapides. La bataille de l’IA ne fait que commencer, mais ses menaces sont déjà terrifiantes.
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