L’essentiel
- Dans la nuit du 3 au 4 avril, le premier « drop-off » a été intercepté en France avec la saisie dans un bateau en Normandie de 630 kilos de cocaïne.
- Transportée par un cargo parti du Brésil, la drogue a ensuite été larguée en mer avant d’être récupérée par un bateau de pêche puis transbordée dans une embarcation rapide pour rejoindre le continent.
- Selon Frédéric Teillet, procureur de la République de Rennes, cette nouvelle technique illustre le nouveau modus operandi des narcotrafiquants qui « diversifient les modes d’acheminement de la drogue. »
La lutte contre le trafic de stupéfiants n’échappe pas aux anglicismes. Après le « go fast », technique désormais bien connue pour convoyer la drogue, les douaniers et les enquêteurs ont ajouté récemment le terme de « drop-off » à leur vocabulaire. Cette méthode, pas si vieille, consiste à larguer des ballots de cocaïne en pleine mer avant que la cargaison ne soit récupérée par des petits bateaux de pêche pour rejoindre le continent et alimenter le trafic.
Dans la nuit du 3 au 4 avril, le tout premier « drop-off » a ainsi été intercepté en France après dix-huit mois d’enquête. Tout part du Brésil où un cargo a quitté le port de Paranagua il y a quelques jours en direction d’Amsterdam. Alors qu’il approchait des îles anglo-normandes, il aurait alors légèrement dévié de sa route avant que des membres de son équipage ne balancent en mer des ballots équipés de bidons pour assurer leur flottaison et munis pour certains de balises GPS pour pouvoir être récupérés.
Une cargaison d’une valeur de 37 millions d’euros
Dans le même temps, un bateau de pêche est parti du port d’Ouistreham (Calvados) pour ramener la marchandise dans ses filets avant qu’elle ne soit transbordée dans une vedette mettant le cap sur le port de Tancarville près du Havre (Seine-Maritime). Grâce à des écoutes téléphoniques, une importante opération de police judiciaire mobilisant plusieurs dizaines de policiers, gendarmes et douaniers a alors été déclenchée en pleine nuit. Elle a conduit à la découverte à bord de l’embarcation rapide de 630 kilos de cocaïne, soit « une valeur à la revente de 37 millions d’euros », indique Frédéric Teillet, procureur de la République de Rennes en charge de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) qui a piloté l’affaire.
Six hommes, dont trois marins-pêcheurs, et deux femmes ont été interpellés lors de ce coup de filet à Tancarville, Le Havre et Ouistreham. Également dans le viseur des autorités britanniques, le cargo dans lequel a été transportée la drogue depuis l’Amérique du Sud a été intercepté en pleine mer par les garde-côtes français et dérouté vers le port de Dunkerque où ses 22 marins ont été placés en garde à vue. A l’issue des auditions, onze personnes, dont trois membres de l’équipage du cargo, ont été mises en examen. Neuf d’entre elles ont été placées en détention provisoire tandis que les deux femmes, conjointes de marins-pêcheurs, ont été placées sous contrôle judiciaire.
Les trafiquants diversifient les modes d’acheminement
« Cette opération est historique non pas pour les quantités saisies mais parce que c’est la première fois qu’une livraison par « drop-off » est interceptée en France », s’est félicité ce lundi Frédéric Teillet lors d’un point presse. Elle illustre selon lui le nouveau modus operandi des narcotrafiquants qui « diversifient les modes d’acheminement de la drogue. » La cocaïne continue bien sûr d’arriver en Europe à bord de conteneurs comme en témoigne la saisie début mars de dix tonnes à Dunkerque. Mais alors que les grands ports sont de plus en plus surveillés, les trafiquants se replient désormais vers des ports secondaires. Ou usent d’autres méthodes comme le « drop-off » qui connaît aussi parfois des ratés avec des ballots qui ne sont pas récupérés et s’échouent sur les plages.