« Attal président ! Attal président ! ». C’est sous ces cris que l’ancien Premier ministre a pris la parole à la Cité du cinéma, en Seine-Saint-Denis, ce dimanche 6 avril. Derrière un pupitre au slogan « Pour la démocratie », son discours était rodé. À l’image du duel mis en avant avec le Rassemblement national depuis plusieurs jours, le patron de Renaissance a fustigé les « outrances » de Marine Le Pen, condamnée à une peine d’inéligibilité avec effet immédiat pour « détournement de fonds publics » – jugement dont elle a fait appel.
Devant quelque 5 000 sympathisants, il a volontiers entretenu ce face-à-face par meetings interposés, alors qu’au même moment, les lepénistes se mobilisaient place Vauban dans le VIIe arrondissement de la capitale. D’un côté le camp de la « démocratie » et de « l’État de droit ». De l’autre, les « trumpistes » qui ne « respectent pas les institutions ». « Tu voles, tu paies », a lancé Gabriel Attal à l’adresse de la cheffe des députés RN, reprenant sa formule de ses mois passés à la tête du gouvernement : « Tu casses, tu répares ».
« Il essaie d’instaurer un duel avec nous, mais ça ne fonctionnera pas »
Des mots qui ont de quoi rendre furieux les membres du Rassemblement national. « J’ai envie de lui répondre : tu ruines la France, tu pars », rétorque auprès de JDD la députée RN Edwige Diaz. « Il essaie d’instaurer un duel avec nous mais ça ne fonctionnera pas. On ne joue pas dans la même cour. On est crédité de 37 % au premier tour, lui n’atteint pas les 20 % », poursuit l’élue de la Gironde. Gabriel Attal « voit qu’il est distancé dans les sondages par Édouard Philippe, donc il fait du gros rouge qui tache pour se faire remarquer », a de son côté taclé Jordan Bardella sur RTL ce lundi 7 avril.
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Sans être officiellement candidat à l’élection présidentielle, le patron des députés Renaissance s’est attardé ce dimanche sur sa stratégie pour 2027. « Nous avons deux ans. Deux ans pour la France. Deux ans pour agir », a-t-il fixé à ses militants. Ces derniers devront « être prêts l’an prochain à présenter un projet complet pour le pays », ce qui nécessitera de « se réinventer sans se renier, de reconnaître nos succès comme nos échecs ». Ses valeurs restent « le travail, l’autorité, l’écologie, l’humanisme et la laïcité », a-t-il énuméré.
Un discours de pré-campagne ? « Ce n’est pas un acte de candidature », assure au JDD la députée Renaissance Prisca Thevenot. « Mais à titre personnel, je compte sur lui pour les prochaines grandes échéances et on est nombreux à être dans ce cas », poursuit la proche de Gabriel Attal. Reste encore à définir le périmètre politique pour organiser la course à la présidentielle au sein du bloc central. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin appelle à une alliance avec LR. Refus catégorique du côté de Gabriel Attal. « Il est temps de rappeler des évidences. Nous sommes une famille politique debout pour défendre l’État de droit. Comment pouvons-nous nous associer à Bruno Retailleau, qui déclare que celui-ci n’est ni intangible ni sacré ? », cingle Prisca Thevenot.
La question stratégique reste donc ouverte au centre. D’autant que de nombreuses personnalités souhaitent être sur la ligne de départ. « Il y a presque plus de candidats que d’électeurs qui peuvent voter », raille l’ex-député macroniste Patrick Vignal auprès du JDD. « Les Français s’en foutent que ce soit Édouard Philippe, Gabriel Attal, Yaël Braun-Pivet, Gérald Darmanin ou un autre. En politique, quand on veut les choses, il faut les prendre », affirme le proche du chef de l’État. « La présidentielle, c’est un championnat de France. Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’aux sélections régionales », lance-t-il en guise de parallèle.
La ligne de crête semble toutefois étroite pour Gabriel Attal. Entre rupture et continuité avec Emmanuel Macron. Entre séparation et fidélité avec Édouard Philippe, seul candidat déclaré à la course à l’Élysée au sein du bloc central. Ces dilemmes, l’ancien Premier ministre a eu le temps de les ruminer depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier. Lui qui s’est mis en retrait de la vie médiatique après les législatives qui ont suivi. Ses proches assurent qu’il a passé quelques moments compliqués et a eu du mal à se remettre de la décision du président, vécue comme un coup de poignard dans le dos. « C’est un mal pour un bien. Il fallait peut-être cet épisode pour forger l’homme politique qu’il deviendra », avance Patrick Vignal.
La classe politique doit être à la page et laisser émerger la nouvelle génération
Prisca Thevenot, députée Renaissance
Une séquence qui pourrait même faire la différence en 2027 pour l’ancien député de l’Hérault. « Les Français voudront une personne qui les rassure. Gabriel Attal a les qualités de la jeunesse, une certaine expérience et se construit une armature. Même à 35 ans, les planètes pourraient s’aligner », analyse-t-il. L’hypothèse d’un Jordan Bardella candidat du Rassemblement national, dans le cas où Marine Le Pen reste inéligible avec effet immédiat dans deux ans, pourrait également faire pousser des ailes au patron de Renaissance. « La classe politique doit être à la page et laisser émerger la nouvelle génération », abonde la députée et ancienne ministre Prisca Thevenot.
Pour l’instant, chaque candidat ou prétendant du bloc central montre les muscles. « On est dans un moment assez classique ou chacun pense que l’autre va abandonner à la faveur des mauvais sondages ou de la pression des militants », souligne au JDD le politologue Bruno Cautrès. « Édouard Philippe a pour l’instant une longueur d’avance, mais chacun avance ses pions et la compétition sera intense », ajoute-t-il. Gabriel Attal ira-t-il jusqu’à faire plier son ancien chef de gouvernement, qu’il talonne dans les études d’opinion sans encore être candidat ? « On devrait avoir la réponse une fois les municipales passées », avance Patrick Vignal. Rendez-vous dans un an donc. D’ici-là, de l’eau aura coulé sous les ponts.
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