Depuis 2015, la réforme de l’audiovisuel public revient comme un serpent de mer dans le débat politique. Le rapport sénatorial Leleux-Gattolin (2015), les tentatives avortées sous Franck Riester (2019-2020), la suppression de la redevance en 2022 : chaque initiative s’est heurtée à l’inertie, aux urgences budgétaires ou à l’absence de volonté politique. C’est dans ce contexte que revient sur le devant de la scène le projet de loi – d’origine sénatoriale – relatif à « la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle ».
Une ambition que Rachida Dati a faite sienne, prévoyant la création de France Médias, holding détenue à 100 % par l’État, regroupant les principales entreprises de l’audiovisuel public national : France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (Ina). L’objectif politique est clair : refonder un service public devenu, selon Dati, un bastion pour « CSP + vieillissant ». La ministre plaide pour un audiovisuel public qui parle à l’ensemble des Français et qui soit un outil de souveraineté nationale.
La réforme introduit une logique de convention stratégique pluriannuelle entre l’État et France Médias, fixant objectifs, financements et indicateurs de performance. La promesse d’économies, par mutualisation des services et recentrage des moyens, suscite des tensions. Mais les questions de gouvernance et de budget masquent une question plus fondamentale, que personne ne pose : quelles doivent être les missions précises de ce service public ? Faut-il continuer à faire coexister des antennes généralistes, qui rivalisent avec le privé sur le terrain de l’audience, ou réaffirmer un cap plus exigeant, recentré sur des finalités d’intérêt général : la création culturelle, l’accès universel à l’information, ou encore l’influence de la France dans le monde, via RFI ou France 24 ? La réforme actuelle a laissé de côté ces sujets de fond.
Côté Parlement, le climat est tout sauf serein. Le 1er avril, l’examen du texte en commission a été suspendu après un accrochage entre Rachida Dati et une administratrice de l’Assemblée – un incident vivement dénoncé par Fatiha Keloua-Hachi, présidente de la commission et opposante à la réforme – puis à nouveau interrompu le lendemain après des échanges houleux.
Les syndicats défendent des logiques de statut et d’emploi
L’objectif est de reprendre les débats le 7 avril, pour un examen en séance publique dès le 10. Par ailleurs, la guerre froide entre Rachida Dati et le Parti socialiste, incarnée par son rival parisien Emmanuel Grégoire, alimente cette ambiance électrique. Le PS a déposé près de 500 des 1 080 amendements enregistrés, ce que la ministre dénonce comme une stratégie d’obstruction. Lundi 31 mars, dès l’ouverture des débats, les syndicats de France Télévisions lançaient une grève de deux jours. Alors que le service public est contesté sur son efficacité, sa partialité, son poids budgétaire, les syndicats préfèrent défendre des logiques de statut, d’emploi et d’autonomie à tout prix.
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Que les journalistes et techniciens veuillent défendre leur outil de travail est légitime. Mais qu’ils refusent toute réforme au nom d’un statu quo obsolète paraît peu responsable au regard des attentes des Français. D’autant plus que les critiques se multiplient contre une information publique perçue comme parfois idéologiquement marquée, et dont le pluralisme réel est contesté.Malgré ces turbulences, le fond du texte marque une tentative sérieuse et structurée de réformer l’audiovisuel public en instaurant une gouvernance claire, en visant l’efficacité sans renier l’ambition, et en posant les jalons d’un financement pérenne. À suivre…
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