Alors que l’Europe et le monde basculent dans la guerre hybride, le forum InCyber, le plus grand salon d’Europe dédié à la cybersécurité, s’est tenu cette semaine à Lille. Des milliers d’acteurs du secteur sont venus exposer leurs innovations, multipliant les conférences et les débats, positionnant ainsi l’Europe comme l’un des leaders du marché mondial. Estimé à 60 milliards d’euros, le chiffre d’affaires européen de la cybersécurité devrait doubler d’ici 2029. Start-up, PME ou colosses du CAC 40, tous veulent leur part du gâteau, d’autant qu’à l’heure du tout-numérique, les opportunités sont exponentielles. Surtout dans une conjoncture géopolitique percutée par l’offensive de Donald Trump à l’endroit de son vieil allié, qui encourage l’Europe à renforcer sa souveraineté en matière de cyber.
Après une année 2024 record en nombre de cyberattaques visant des entreprises, l’heure est à la réaction. Vols de données, cyberespionnage, rançongiciels : se protéger devient un impératif. L’Allemand Hornet l’a bien compris et se rêve déjà en champion européen du secteur. BMW, Orange, SoftBank, les industriels européens sont nombreux à faire appel à Hornet, dont le produit phare consiste à sécuriser les données et les messageries professionnelles de ses clients. Messageries souvent perçues comme vulnérables par les hackeurs, comme l’illustre l’attaque d’une organisation russe, en 2023, contre le fabricant d’ordinateurs Hewlett-Packard.
Vol de données, cyberespionnage : se protéger est un impératif
L’année dernière, Hornet a racheté le Français Vade, spécialisé dans la protection de l’environnement Office 365, le logiciel d’entreprise le plus utilisé au monde. Une fusion peu courante dans le milieu, qui met à mal les ambitions européennes du mastodonte et concurrent américain ProofPoint. « Notre idée est de donner aux entreprises européennes les moyens de leur souveraineté numérique, explique Adrien Grenge, directeur produit chez Hornet. Nos data centers sont en Europe un gage d’indépendance pour nos clients. » Reste que le siège de l’entreprise, lui, est à Hanovre, en Allemagne. Et Vade, autrefois fleuron de la French Tech, est passé sous pavillon germanique.
Mais l’Hexagone n’a pas dit son dernier mot et peut s’appuyer, pour préserver ses ambitions, sur ses acquis. Au salon InCyber, la foule s’agglutine autour du stand de Thalès, le titan français de la défense. Pépite internationale de l’armement, Thalès a largement diversifié ses activités dans la cybersécurité, au point de figurer dans le Top 10 mondial. Son positionnement clef comme équipementier militaire renforce considérablement sa crédibilité. Et alors que la Russie et la Chine multiplient les cyberattaques contre des infrastructures européennes, notamment en sous-traitant la tâche à des groupes de hackeurs, plusieurs États membres se tournent vers Thalès : l’Italie, victime en décembre dernier de deux vastes attaques informatiques visant l’aéroport de Milan et le ministère des Affaires étrangères, la Bulgarie, qui a subi plusieurs attaques contre son infrastructure ferroviaire, ou encore la Belgique, dont plusieurs ports ont été visés par des cyberattaques. « On sent un désir de souveraineté européenne en matière de cybersécurité, au niveau civil comme au niveau défense, explique Thomas Laurentin, directeur marketing chez Thalès. Le fonds de défense européen prévoit des budgets pour la cybersécurité, et nous sommes bien placés pour répondre aux appels d’offres de nos partenaires. »
Pour certains enfin, la meilleure défense, c’est l’attaque. Et des start-up émergent, spécialisées dans le renseignement ou l’intelligence économique. C’est le cas d’Epieos, fondée par le prodige du hack Sylvain Hajri. Spécialisée en Osint, ces enquêtes numériques réalisées en sources ouvertes, Epieos permet de tester les failles sécuritaires de ses clients… et de leurs concurrents. « Pour faire simple, on propose un service qui permet de tester l’exposition numérique des gens. Vous rentrez votre email dans une barre de recherche, et on retrouve toutes les traces que vous avez laissées en ligne », explique Sylvain Hajri. L’outil d’Epieos, puissant, séduit au-delà du secteur privé les services de renseignement, forces de police et institutions gouvernementales « un peu partout dans le monde ».
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Pour compléter l’offre du secteur, l’activité assurantielle se développe sur un risque qui menace de grands groupes, PME, hôpitaux ou institutions gouvernementales, avec souvent des préjudices financiers importants. De nouveaux acteurs proposent des « cyberassurances », des couvertures capables de surmonter les conséquences d’éventuelles attaques. « Il n’existe plus une seule entreprise qui n’est pas numériquement exposée. Faire appel à un assureur qui maîtrise la menace et son évolution s’impose aujourd’hui », commente Jules Veyrat, fondateur de Stoik, une assurance cyber qui s’étend en Europe.
Avec une croissance annuelle de l’ordre de 15 %, la cybersécurité s’impose dans toutes les strates de l’économie, et l’écosystème européen se renforce, prêt à batailler dans la guerre commerciale qu’a lancée Donald Trump au reste du monde.
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