Démocratie. Ce terme nous vient du grec : démos, « peuple » ou « population », et kratos, « pouvoir » ou « autorité ». La démocratie, on le sait, est le pouvoir du peuple. Ce dimanche 23 mars, les Parisiens ont voté à 66 % pour plus de rues piétonnes et végétalisées, avec une participation particulièrement faible de 4 %. Ce scrutin s’appelle pourtant un « scrutin populaire ». Certains y voient la démocratie, d’autres y voient la fin d’une démocratie.
Le lundi 31 mars, la justice, le bastion de notre démocratie, s’est retrouvée dans une position délicate en déclarant Marine Le Pen inéligible à la présidentielle de 2027 de façon immédiate, avec l’exécution provisoire, au nom de la protection des institutions. Un jugement déclenchant une polémique sans précédent : notre justice ne court-elle pas le risque de s’immiscer dans le processus électoral et d’en entraver gravement la légitimité ? En tentant de protéger la démocratie, la justice peut en effet priver le peuple de son droit fondamental à élire ses représentants. Certains y voient la démocratie, d’autres y voient la fin d’une démocratie.
Il y a un an, à Troyes, des squatteurs ont occupé illégalement le terrain d’un propriétaire, puis ont détourné de l’eau et de l’électricité. C’est le propriétaire qui a été condamné à 1 000 euros d’amende. Où est le droit qui protège le peuple ? À Lyon, un autre propriétaire, qui avait repris son bien sans l’aide de la justice, a été condamné à dédommager les squatteurs qui l’ont attaqué pour les avoir délogés trop tôt. Où est le droit qui protège le peuple ? Ces cas se multiplient à la stupéfaction des Français. Certains y voient la démocratie, d’autres y voient la fin d’une démocratie.
Lorsque Philippine a été violée et tuée par un homme sous OQTF qui avait déjà violé et qui avait été remis en liberté seize jours avant malgré sa dangerosité alors qu’il devait quitter la France… où est le droit qui protège le peuple ? Pourquoi a-t-il été remis en liberté ? Faute de réponse du Maroc pour l’expulsion de Taha O., la rétention administrative du suspect avait été prolongée après quatre demandes. Un juge avait fini par le remettre en liberté. Certains y voient la démocratie, d’autres y voient la fin d’une démocratie.
Ces petites évolutions qui bouleversent nos vies
Cette dramatique affaire Philippine a opposé ceux qui défendent coûte que coûte l’État de droit et ceux qui avaient appelé à une évolution de l’arsenal juridique. Cent soixante-dix parlementaires LR avaient soutenu Bruno Retailleau dans une tribune. Le ministre de l’Intérieur a déclaré qu’« il ne peut y avoir de démocratie sans État de droit », une précision après avoir souligné que « l’État de droit n’est pas intangible, ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie de normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain ». A-t-on tiré les leçons de cette affaire ? Je ne le crois pas.
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Le droit des coupables finit par prendre le pas sur le droit des victimes
Ceux qui défendent quoi qu’il arrive l’État de droit sont en théorie pour la souveraineté populaire, mais en pratique, non. On le voit avec Philippine. Il y a des droits qui s’opposent à la souveraineté collective ; le droit des coupables finit par prendre le pas sur le droit des victimes. Le violeur et meurtrier présumé de Philippine, remis en liberté, a ôté la vie d’une jeune fille qui construisait sereinement son avenir.
L’évolution de notre démocratie se fait par petites touches, peu visibles pour les citoyens et qui, finalement, bouleversent toute la société. Ces petites jurisprudences du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel, créées par chaque question prioritaire de constitutionnalité (QPC), changent à la longue notre quotidien. La nature du travail législatif en est bouleversée puisque l’on se réfère ensuite à ces jurisprudences qui s’opposent petit à petit à toute marge de manœuvre.
Même le droit international prime sur le national
L’État de droit, créé pour protéger nos libertés à l’intérieur de la démocratie, piège parfois cette même démocratie. Cela est vrai au niveau national, mais également au niveau international ou européen. Nous avons même accordé au droit international le pouvoir sur notre droit national. En 1989, l’arrêt Nicolo, décision du Conseil d’État, reconnaît pleinement la supériorité du droit international sur le droit national. Cette mutilation juridique de notre souveraineté va bien plus loin que dans d’autres pays occidentaux.
Si la France ne peut pas faire primer son droit national pour protéger sa nation face à une directive européenne qui pourrait aller à l’encontre de sa souveraineté, l’Allemagne, elle, a su mettre une limite. La Cour constitutionnelle fédérale allemande peut déclarer inapplicable un acte juridique de l’Union européenne qui ne respecte pas l’identité constitutionnelle allemande. Pourquoi la France n’a-t-elle pas su protéger sa souveraineté ? Pourquoi la France n’arrive-t-elle même plus à protéger son peuple ?
Pourquoi la France n’a-t-elle pas su protéger sa souveraineté ?
La démocratie perd son identité. Pour certains, c’est le régime qui permet la plus grande latitude possible aux libertés et aux droits individuels, même au détriment de la majorité. Pour d’autres, la démocratie reste la souveraineté du peuple, fondée sur les droits des citoyens. Les droits et la souveraineté du peuple fonctionnent ensemble. Jusqu’où la prétendue sauvegarde de nos valeurs démocratiques peut-elle mener à leur remise en cause ? Regardons cette vérité en face, criée depuis plusieurs années mais étouffée afin que rien ne change. Le peuple va-t-il continuer à mourir, anesthésié au cœur même de la démocratie ? Le peuple n’est plus.
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