Ce n’est pas le régime du siècle, et pourtant Donald Trump a perdu du poids. Sa carrure est toujours massive mais son visage s’est aminci sans s’être creusé et sa ceinture a bien dû gagner deux crans. Le président marche d’un pas plus rapide quand, les vendredis soir, sur le South Lawn, il rejoint Marine One, l’hélicoptère présidentiel qui le conduit sur la base d’Andrews, d’où il décolle chaque week-end pour Palm Beach.
Dans son entourage, on se félicite de cette transformation dont on ne sait si elle est influencée par la lutte contre la malbouffe menée par RFK Jr. ou l’expression d’une ambition politique. Dans deux mois, le président aura 79 ans, deux de moins que Ronald Reagan quand, en 1989, il quittait ses fonctions. Trump se doit de porter beau et de contrarier ceux qui, naguère, prévoyaient qu’en succédant à Joe Biden, il entretiendrait lui-même l’institutionnalisation d’une gérontocratie américaine. Moins de graisse abdominale, un visage plus anguleux, des costumes cintrés lui donnent quelques années de moins. Disons quatre ans : ça tombe bien, car le républicain laisse entendre que ce deuxième mandat ne sera pas son dernier.
Depuis qu’il a regagné la Maison-Blanche, Trump, fort d’une popularité (son taux d’approbation se situe autour des 50 %) jamais connue depuis qu’il est entré en politique, sert à tous ses visiteurs qu’il n’aura pas assez de quatre ans pour transformer l’Amérique. Et que, tel Franklin Roosevelt, qui fut élu quatre fois consécutivement, il se verrait bien concourir en 2028. Le message est vite passé auprès de ses supporters.
Un détail contournable
Dans ses apparitions publiques, la foule de ses fans, massée sur la route qui mène à Mar-a-Lago, sa résidence, scande « quatre ans de plus ! » ou « un troisième mandat ! » Ces trumpistes désinhibés, parfois munis de panneaux « 4Eva » [for ever, « pour toujours », NDLR], feignent d’ignorer le 22e amendement de la Constitution qui interdit à un président d’exercer plus de deux mandats de quatre ans.
Pour réformer la loi fondamentale américaine, il faudrait que 34 États sur 50 réclament une convention constitutionnelle et que l’abrogation du 22e amendement soit votée par 38 d’entre eux
Pour Trump et son entourage, cette disposition, adoptée en 1947, soit trois ans après la mort de Roosevelt, et rentrée en vigueur en 1951, est un détail contournable. « Je ne rigole pas. Il y a des façons de le faire », a confié le président lors d’une interview à NBC. Revenant justement la semaine dernière de Mar-a-Lago et se confiant à quelques reporters à bord d’Air Force One, Trump a joué la carte du soutien populaire, comme si la ferveur de ses partisans, à elle seule, pouvait justifier qu’il prolongeât son bail à Washington : « Il nous reste presque quatre ans, et c’est long, mais malgré cela, tant de gens disent : ‘‘Vous devez vous présenter à nouveau !’’ » Mais, en supposant que cette communion avec Maga perdure chez les Républicains, il n’existe pas de baguette magique pour changer la Constitution.
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Pour réformer la loi fondamentale américaine, il faudrait que 34 États sur 50 réclament une convention constitutionnelle et que l’abrogation du 22e amendement soit votée par 38 d’entre eux. Cette méthode n’a jamais été utilisée dans l’histoire des États-Unis. Et il est peu vraisemblable que, même après les midterms de 2026, y compris en cas de raz-de-marée républicain, ce chiffre soit atteint. L’autre méthode, plus classique, consiste pour le Congrès à adopter un nouvel amendement, avec une majorité des deux tiers au Sénat et à la Chambre des représentants. Impossible aujourd’hui tant les majorités sont étroites, et très improbables dans deux ans, même en cas de large victoire.
Sauf que Trump est persuadé qu’une astuce existe. Qu’une sorte de feinte légale, dont il ne précise pas encore la nature, lui permettra de battre les estrades en 2028. Si le président ne précise pas par quelle ruse il compte se maintenir à la Maison-Blanche – ou en tout cas dans sa course –, d’autres ont commencé à dévoiler la stratégie, comme Steve Bannon, ex-conseiller et stratège lors de son premier mandat. Face à Chris Cuomo, sur NewsNation, Bannon, qui estime très sobrement être « convaincu que Trump se présentera et gagnera à nouveau en 2028 […] car un homme comme celui-ci n’apparaît qu’une fois par siècle », n’a pas voulu donner de détails, préférant les révéler « dans quelques mois », mais des pistes ont fuité dans la presse américaine. Fuites qu’on doit à l’intéressé lui-même puisqu’on retrouve cette patte très « bannonienne » que tout est quasiment réinterprétable dans la Constitution. À l’envi.
Ainsi, le 22e amendement ne dit pas, contrairement à la Constitution française, s’il s’applique à deux mandats consécutifs ou non. En clair, Trump serait exempté d’interdiction de se représenter puisque le premier mandat ne compterait pas. C’est tiré par les cheveux, et c’est surtout compter sur la Cour suprême qui, si elle est à majorité conservatrice, ne portera pas forcément le même regard que Bannon.
Jeu de chaises musicales
Autre tour de passe-passe envisagé, déjà surnommé la « méthode Medvedev », en référence à l’ancien Premier ministre russe avec qui Poutine avait échangé ses fonctions pendant quatre ans en 2008, un ticket Vance-Trump pour 2028. Vance démissionnerait aussitôt après avoir prêté serment et Trump regagnerait la Maison-Blanche… qui nommerait alors Vance à la vice-présidence. Ce jeu de chaises musicales, évoqué dans l’entourage du président, ignore le 12e amendement qui dispose qu’« aucune personne constitutionnellement inéligible à la fonction de président ne sera éligible à celle de vice-président des États-Unis ». Or, Trump, avec deux mandats, serait inéligible !
Une combine qui tient à la fois de l’hameçonnage et de l’attrape-gogo
Dernier scénario fou (mais qui imaginait il y a quatre ans un come-back de Trump aussi couronné de succès qu’en novembre dernier ?) : faire accéder en 2029 le républicain à la présidence de la Chambre des représentants, puis faire démissionner le président et le vice-président élus (du même bord évidemment), ce qui propulserait à nouveau Trump à la tête de l’État. Dingue, et c’est pourtant l’hypothèse qui rencontrerait le moins d’obstacles juridiques.
Pour insolite que puissent paraître ces arrangements, ils traduisent la volonté de Trump de retarder le plus possible une guerre de succession. Aux États-Unis, les derniers mandats ne sont jamais à l’avantage de ceux qui les accomplissent, spécialement après les élections de mi-mandat qui sont rarement favorables aux républicains. L’idée, qu’on présente comme farfelue, n’est pourtant pas à mettre historiquement au crédit de Trump. Déjà Reagan, en son temps, bien qu’âgé mais au sommet dans les sondages, voulait abroger le 22e amendement. Il était imbattable et il le savait. Clinton a également toujours défendu cette idée. Le démocrate estime qu’il aurait défait George W. Bush et évité au pays le plus grand cafouillage de l’histoire américaine quand la Cour suprême elle-même avait désigné, en 2000, le vainqueur.
Que Clinton se console : si la plus haute juridiction américaine ou si le Congrès autorisait un troisième mandat pour Trump, elle l’autoriserait aussi à se représenter. Après tout, Clinton est plus jeune de deux ans que Trump, et lui aussi a particulièrement minci.
Reste une dernière combine qui tient à la fois de l’hameçonnage et de l’attrape-gogo. Trump a fait savoir qu’il « adorerait se présenter contre Obama », qui bénéficierait lui aussi des nouvelles règles. Le président américain s’enorgueillit d’avoir battu Hillary Clinton, signé la mort politique de Joe Biden, ne lui manque à son tableau de chasse qu’Obama. Ce dernier, face à l’animateur Stephen Colbert, avait évoqué il y a quatre ans cette hypothèse, de manière légère : « Si je pouvais m’arranger pour avoir une doublure, avec une oreillette, et que je sois en sous-sol, à souffler le texte […] ça ne me poserait aucun problème ! » C’est exactement ainsi que les républicains l’ont imaginé pendant l’unique mandat de Biden. Mais est-ce que tirer les ficelles compte vraiment pour un troisième mandat ?
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