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Sonia Mabrouk
06/04/2025 à 09:45

Après la droite Trocadéro, la droite Vauban ? Depuis plus d’une dizaine d’années, l’emblématique place parisienne située en surplomb de la tour Eiffel est devenue le symbole des rassemblements de la droite dite décomplexée. En 2012, Nicolas Sarkozy y fustigeait la gauche et les syndicats, en 2017, alors empêtré dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse, François Fillon vilipendait dans le même lieu les juges et les médias. C’est aussi sur une place du Trocadéro bondée et submergée de drapeaux tricolores que deux semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2022, en difficulté dans les sondages depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Éric Zemmour a espéré jusqu’au bout un dernier sursaut en entonnant le refrain : « Seul contre tous. » Marine Le Pen n’oubliera jamais les insultes qui ont fusé de l’assistance ce jour-là lorsque le candidat Reconquête cita son nom. « Traitresse ! Traitresse ! » lancèrent certains militants portés par une ambiance survoltée et un discours très droitier.
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Elle n’oubliera pas non plus que la place du Trocadéro est d’abord le symbole d’une droite conservatrice dont elle ne se réclame pas du tout, y voyant même un côté dépassé et rance. Son premier cercle fustigera aussi le fait que les prolos étaient absents du meeting d’Éric Zemmour, remplacés par l’alliance de la jeunesse bourgeoise catholique et de la classe moyenne de province. Pour toutes ces raisons, le Rassemblement national n’organisera pas de rassemblement sur la place du Trocadéro. Pour autant, choisir la place Vauban, située dans la zone très chic du 7e arrondissement de Paris, ne va pas forcément de soit quand on se réclame du peuple. Sans doute le RN n’a-t-il pas trouvé de salle appropriée dans un laps de temps aussi court après la condamnation dans l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés FN (devenu RN), de la chef de file des députés nationalistes à l’Assemblée. Sans oublier aussi les bâtons mis dans les roues quand il s’agit de louer un emplacement pour ce parti. Et maintenant ? Que va donner un tel rassemblement au cœur de Paris ? Jordan Bardella promet une réunion populaire et pacifique tout en se défendant d’attiser les tensions alors que l’extrême gauche hurle à la trumpisation. Cette même extrême gauche qui a le monopole des seules manifestations violentes en France ces dernières années.
Un test grandeur nature
Après avoir interjeté appel de la décision du tribunal correctionnel, Marine Le Pen s’est réjouie de l’engagement de la juridiction de second degré à rendre une décision d’ici à l’été 2026, soit un an avant l’échéance élyséenne. Dans ce contexte, on peine à imaginer quels pourraient être les mots d’ordre de ce grand meeting. Le RN n’a plus tellement intérêt à crier à la tyrannie des juges en attendant la prochaine échéance judiciaire. Mais au-delà de la pertinence d’un tel rassemblement, le rendez-vous de ce jour permettra aussi de juger et de jauger de la capacité d’une partie de la droite captée par le RN à descendre dans la rue hors période électorale.
Lorsque la droite descend dans la rue, elle fait tomber des gouvernements
L’électeur de droite est un spécimen particulier dans le paysage sociologique et politique français. Il pense encore que les manifestations sont essentiellement de gauche et ouvrières. Il lui en faut donc beaucoup pour se mobiliser, oubliant dans un mouvement d’amnésie collective que lorsque la droite descend dans la rue comme en 1984 pour l’école libre, elle fait tomber des gouvernements. Mais ceux qui se réclament du parti de l’ordre n’ont pas l’habitude de battre le pavé, y voyant une forme d’illégitimité de leur camp à manifester. Contrairement à la gauche qui a su entretenir une mémoire vivante et militante surfant sur des images comme La Liberté guidant le Peuple de Delacroix, la droite cherche encore ses références et ses souvenirs. Les fanfares de la gauche ne doivent pas étouffer le désir légitime de la droite à manifester. Il paraît que la France n’a jamais été autant à droite. Reste à savoir si elle est encore capable de défiler. La place Vauban constitue en ce sens un test grandeur nature. Si tel n’était pas le cas. La gauche aura définitivement le monopole de la manifestation. Il y aura alors de quoi décourager Versailles et désespérer Boulogne-Billancourt.

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