Pipe fumante à la main, béret sur la tête, Laurent Firode marche d’un pas élastique dans les ruelles de Montmartre, à Paris. Le cinéaste de 62 ans nous a donné rendez-vous dans un petit café de la butte, où il a coutume d’écrire ses sketchs. « Je suis un artiste désengagé du monde du cinéma. Hors système. Ce que je revendique avant tout, c’est la liberté de ton, de création et d’expression », introduit d’emblée le fringant sexagénaire.
Régisseur, producteur, cadreur, metteur en scène, photographe… Laurent Firode cumule toutes les casquettes et, surtout, des millions de vues sur les réseaux sociaux, où il diffuse une série de gags tournés sur la célèbre colline parisienne.
C’est ici, à quelques pas de la basilique, que le « poulbot » a filmé ses premiers courts métrages, à seulement 12 ans. « J’ai toujours voulu faire des films, confie Laurent Firode. Je suis issu d’une famille qui n’était pas riche, et c’est mon grand frère qui m’a offert ma première caméra. Je fabriquais des personnages en pâte à modeler, que je filmais pendant des heures. Puis j’ai alors commencé à tourner de vrais courts métrages. »
Ancien salarié de France Télévisions
Rapidement, le succès est au rendez-vous. Les courts métrages de Laurent Firode enchaînent les récompenses, et lui permettent de vivre de sa passion. En 1999, c’est le basculement : il reçoit sa première commande de long métrage. Le début d’une nouvelle aventure, que le géant aux cheveux ébouriffés va vivre à fond. Arte, France 5, Canal+ : le réalisateur multiplie les contrats et sort, en 2000, Le Battement d’ailes du papillon, qui achèvera de le faire connaître du public.
25 ans plus tard, l’ancien salarié de France Télévisions n’a plus rien en commun avec son milieu d’antan. Une indépendance prise en 2012, qui permet à Laurent Firode de parler aujourd’hui sans langue de bois ni tabou de son domaine de prédilection : le cinéma. Pour le réalisateur, la situation est dramatique… « Les films produits sont subventionnés par le pouvoir, donc ils servent le pouvoir. Tout est soit une question d’idéologie, soit une question d’argent », déplore-t-il au JDD.
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« Les gens ne regardent pas, mais grâce aux subventions le système continue de tourner ! »
À mesure qu’il décrit sa vision du cinéma français d’aujourd’hui, le sourire du sexagénaire disparaît. Et ses yeux se durcissent. Se redressant sur sa chaise, le père de famille sonne la charge : « Aujourd’hui le cinéma est complètement et totalement gangrené par l’idéologie. Dès qu’on va voir un film français, on a l’impression de l’avoir vu 1 000 fois. Les gens ne regardent pas, mais grâce aux subventions, le système continue de tourner ! »
« Je n’ai aucune subvention »
S’il confie, un peu confus, ne plus suivre l’actualité cinématographique, le cinéphile continue cependant de se rendre, à de rares occasions, dans les salles obscures. La dernière œuvre qu’il est allé voir ? Gladiator 2. « Une connerie, un truc grotesque et indigne », commente l’amoureux du 7e art. Son film préféré ? Le Manuscrit trouvé à Saragosse, un film polonais en noir et blanc des années 1960, « inoubliable et renversant ».
Son départ volontaire du milieu du cinéma n’a pas conduit Laurent Firode au chômage. Loin de là. Le scénariste produit aujourd’hui les sketchs Films à l’arrache, série de courtes vidéos humoristiques diffusées en ligne. Maniant le second degré avec virtuosité, le cinéaste tape juste, ciblant les contradictions et errements d’une partie de la population française.
Les personnages qu’il met en scène, joués par des acteurs de talents, incarnent des individus anonymes, bien-pensants jusqu’à la moelle, qui discutent de l’actualité. « Les Films à l’arrache ? Ils sont à l’arrache justement, ironise Laurent Firode. Je n’ai aucune subvention, c’est filmé chez moi, avec des copains acteurs. » C’est dans un café voisin que l’atypique artiste trouve son inspiration. Chaque jour voit la naissance d’un nouveau sketch, d’une durée d’une minute environ. : « C’est hyperartisanal. J’écris environ cinq sketchs par semaine, j’aime bien rebondir sur l’actualité, et tout va très vite ! »
C’est artisanal… mais ça marche. Sur la Toile, ces séquences cumulent des millions de vues et les commentaires positifs pleuvent. « Tous les jours je reçois des messages. Des gens m’arrêtent dans la rue, je suis un acteur du combat pour la liberté d’expression », se réjouit l’intéressé.
En marge du système
Cette liberté d’expression, Laurent Firode en a fait son credo. Et même s’il se défend d’être politisé (il dit n’avoir jamais voté de sa vie), le réalisateur ne cache pas sa sympathie pour le locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump, ou encore pour le président argentin, Javier Milei. Une tasse de café à la main, le cinéaste se lance soudain dans une ode au libéralisme, qui résonne dans l’établissement : « Je suis un ultralibéral. Quand l’État met ses mains quelque part, pour moi, c’est un problème. La tronçonneuse de Milei, moi ça me plaît ! »
« Je suis complètement grillé, par mes films, mes sketchs, mon âge, mon sexe, ma couleur de peau… »
Laurent Firode a bien conscience d’être en marge, comme il aime à le répéter. Et cette situation semble même l’amuser. « Je sais que je suis complètement grillé, par mes films, mes sketchs, mon âge, mon sexe, ma couleur de peau… Alors tant qu’à être grillé, autant dégager une bonne odeur de barbecue, et y aller à fond ! », lance-t-il dans un grand éclat de rire. Lorsqu’on lui demande s’il est optimiste pour l’avenir de la culture et de la liberté en France, sa réponse fuse : « Oui. Les nouvelles générations sont fantastiques, elles ne se laissent pas embobiner par la propagande, elles ne sont pas dupes. Ça me donne beaucoup d’espoir pour le futur de la France. »
Pour le cinéma en revanche, le père de famille est moins confiant. Il en est persuadé : le monde du 7e art sera le dernier bastion du wokisme à chuter. « Les mondes de la télé et du cinéma sont bourrés de privilèges. Forcément, ils vont s’accrocher au rocher, à un point inouï : ce sera la dernière caste à tomber », estime celui qui espère bien « voir cela de [son] vivant ».
Au moment de nous quitter, Laurent Firode se penche vers nous. « Je suis en train de travailler sur un nouveau film, souffle-t-il. Un film sur Emmanuel Macron, qui retrace de manière très sarcastique ses deux quinquennats du point de vue des Français. » Preuve de plus, s’il en fallait, que Laurent Firode ne compte lâcher la caméra de sitôt…
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