
Surtout en dire le moins possible – autant dire une gageure pour le président. Pas un mot qui puisse être immédiatement déformé, interprété, et le ramènerait dans le marigot de la politique politicienne. « La justice est indépendante », « les magistrats doivent être protégés », « tous les justiciables ont droit au recours » : trois commentaires lapidaires rapportés par la porte-parole du gouvernement, pas un mot de plus du président. « Même en privé, il fait très attention ces jours-ci à ne pas commenter l’affaire. Rien », précise un de ses plus proches conseillers.
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Derrière cette posture monacale, Emmanuel Macron tient à éviter deux écueils. Le premier : se positionner au risque, soit de victimiser, soit d’enfoncer Marine Le Pen. Le second, ne pas se mêler au débat sur l’exécution provisoire, au risque de renvoyer à l’opinion l’idée d’une impunité accordée aux élus. En s’éloignant du premier cercle du chef de l’État, le seul commentaire que s’autorise un visiteur du palais, ironique, revient à pointer la contradiction du RN : « Il est très compliqué d’avoir défendu pendant des années le principe de la tolérance zéro pour les élus et de dénoncer aujourd’hui la façon dont ils sont sanctionnés. » Fermer le ban. Reste que sans s’attarder sur l’affaire, on spécule dans les couloirs du palais sur l’effet de cet épisode, quelle qu’en soit l’issue, en 2027. Tout le monde a en tête que si, in fine, Marine Le Pen parvient à se présenter, de retour des enfers, elle sera encore plus difficile à battre. Certes le président ne sera pas dans la peau du potentiel vaincu, mais il resterait dans l’Histoire comme celui qui l’attend sur le perron de l’Élysée pour lui remettre les clefs.
Bayrou assume, comme toujours, même si ses sorties ne sont pas toujours comprises
François Bayrou, lui, a choisi de parler. Et vite. Le Premier ministre fait part de son « trouble » à l’endroit du verdict des juges, ce qui lui vaut immédiatement les récriminations des députés macronistes. « Un Premier ministre ne devrait pas dire ça », lui répond en substance Gabriel Attal qui lui « n’est jamais troublé par la démocratie ». Bayrou assume, comme toujours, même si ses sorties ne sont pas toujours comprises. « C’est un démocrate, plaide en préambule un de ses plus proches, or on ne peut pas vouloir rassembler le plus grand nombre et s’en tenir à une sorte de rejet, voire une humiliation de ceux, nombreux, qui ont voté pour le RN ou pour Marine Le Pen. »
Sans préjuger du vote des parlementaires, le Premier ministre assume de remettre en cause l’exécution provisoire, même si, comme à son habitude, il s’en remettra au jugement… des parlementaires. Les mauvaises langues parmi les députés du socle commun y voient surtout une manœuvre consistant à faire voter la proposition de loi Ciotti et s’éviter ainsi les foudres de Marine Le Pen qui déchaînerait la censure dans une sorte de « après moi le déluge ». Même si, à l’Élysée, on se plaît à rappeler qu’en cas de censure, le gouvernement est protégé par un solide bouclier : le groupe socialiste. Farouchement opposés à la loi Ciotti, on voit mal comment les troupes d’Olivier Faure pourraient associer leurs voix à celle du RN pour protester contre le maintien de l’exécution provisoire.
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