
Il a tout pour réussir. Une famille de juristes fortunés et de haut lignage : sa mère est une fille Moët, des futurs Moët et Chandon, et son père est magistrat et conseiller du roi. Lui se destine à une brillante carrière ecclésiastique dans la France de Louis XIV. À 16 ans, il est déjà chanoine à Reims, devient par la suite docteur en théologie à la Sorbonne, l’une des universités les plus réputées d’Europe. Il fait donc partie de l’élite sociale et intellectuelle.
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Sauf que vers l’âge de 30 ans, Jean-Baptiste de La Salle est bouleversé par la pauvreté de l’enseignement en France, surtout dans les milieux populaires : le niveau d’alphabétisation est lamentable, les enfants sont laissés à l’abandon, et les éducateurs eux-mêmes sont peu instruits, peu considérés et mal rémunérés. Rien de nouveau sous le soleil donc… Il qualifie même les religieux de sa propre congrégation d’ « ignorantins », « sans étude et sans lumière ». Mais il ne s’y résout pas, et comprend qu’il faut d’abord former les maîtres. « L’instituteur des instituteurs », comme on l’appelle, crée les Frères des écoles chrétiennes, la première congrégation religieuse destinée à l’enseignement, avec des méthodes rigoureuses et innovantes.
Les bases établies du système scolaire
Il promeut l’usage du français plutôt que le latin, organise les élèves par classes de niveau, instaure les premiers relevés de notes et insiste sur le par cœur. Autant de mesures qui perdureront dans le système éducatif jusqu’à aujourd’hui, ou presque… Il pousse le souci du détail jusqu’à prévoir la taille des classes, 40 m2 ; celles-ci doivent être lumineuses et aérées, avec des fenêtres pas trop basses pour que les passants ne regardent pas à l’intérieur afin de ne pas distraire les enfants !
Il leur faut vivre quelque chose de la pauvreté des enfants qu’ils sont chargés d’enseigner
Mais Jean-Baptiste de La Salle ne s’arrête pas là : les éducateurs doivent être eux-mêmes exemplaires. Et pour cela, il leur faut vivre quelque chose de la pauvreté des enfants qu’ils sont chargés d’enseigner. Lui-même renonce à sa charge lucrative de chanoine, et les Frères se dépouillent de toute propriété, vivent pauvrement et revêtent un habit singulier : on les appellera « Les Frères quatre bras », en raison de leur manteau jeté sur les épaules qui n’était jamais enfilé !
Allier traditions chrétiennes et nouveauté sociale
Ce créatif n’est pas pour autant un révolutionnaire. « Fuyez la nouveauté, suivez la tradition de l’Église », affirme-t-il à ses religieux. De fait, sa spiritualité se situe dans la droite ligne du concile de Trente (1545-1563), qui visait à remettre le Christ au centre de la vie du clergé et de toutes les œuvres chrétiennes. Selon lui, les éducateurs doivent être des hommes de prière et de pénitence, pas juste des transmetteurs de savoir. « Regardez vos écoliers comme les images vivantes du Christ », recommande-t-il.
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Cette vision de l’éducation comme une œuvre de salut, tout à la fois « chrétienne, intellectuelle, pratique et morale », lui vaut beaucoup d’oppositions, car il dérange les positions établies. Mais le résultat est que lors des États généraux de 1789, on doit à saint Jean-Baptiste de La Salle le fait que beaucoup de Français ont pu écrire leur nom, plutôt que de signer par une croix…
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