Les parcours les plus intéressants sont souvent faits de détours, d’audacieux allers-retours ou de tours joués par le destin. En témoigne celui de Léonie Simaga, visage familier du petit écran qu’on verra la semaine prochaine dans des rôles aux antipodes l’un de l’autre : l’avocate manœuvrière de 37 secondes et la sympathique femme de ménage embarquée par sa collègue Alix Poisson dans la drôle d’arnaque financière de Clean.
L’ex-sociétaire de la Comédie-Française, première interprète non blanche à y être nommée avant Bakary Sangaré (les seuls à ce jour) a, en effet, bien failli quitter la profession en même temps que la maison de Molière début 2016. Au profit de… la haute fonction publique. À l’aube de la quarantaine, elle a réussi le très sélectif concours ENA 3C permettant d’y prétendre via la classe prépa tout juste intégrée, mais « un accident de la vie personnelle » conjuguée à la nécessité de s’occuper de son deuxième enfant a contrarié la reconversion de l’aspirante énarque rêvant du Quai d’Orsay. « Quand on se laisse dérailler, ça révèle quelque chose de nous : sans doute chez moi la personne fragile, l’actrice, l’artiste », analyse-t-elle.
Une actrice « par accident »
La jolie brune l’est pourtant devenue « un peu par accident. » Si elle a suivi des cours de théâtre au lycée, elle se destinait à la recherche et à l’enseignement, vocation encouragée par son prof d’histoire-géo en seconde. Pas très étonnant au regard de son ascendance : un père malien devenu ingénieur agronome aux Nations unies, une mère enseignante née d’un Breton décoré à titre posthume de la Légion d’honneur pour son sacrifice lors de la libération de Brest en 1944.
« Moi dans l’Infante d’Espagne du Cid, bien sûr que ça changeait les choses »
Son échec à Normale sup a finalement amené la brillante étudiante diplômée de Sciences Po à bifurquer vers le Conservatoire puis le Français. Ce va-et-vient, certes étendu dans le temps, entre « le concret » et l’artistique en dit aussi beaucoup sur elle : comme son choix d’avoir préféré aux éventuels plateaux de tournage, la salle Richelieu. « Je suis la fille de mes parents : une Française républicaine au garde à vous. J’ai intégré la troupe nationale, subventionnée à 95 % par l’argent public, pour jouer du répertoire. Et le fait que ma gueule y soit associée était un acte politique en soi. Moi dans l’Infante d’Espagne du Cid, bien sûr que ça changeait les choses. »
Exotisme et classicisme
Plus sollicitée par la télévision que par le cinéma, bien qu’on l’ait notamment vu chez Léonor Seraille (Jeune femme), Nicolas Pariser (Alice et le maire, Le Parfum vert) ou Ilan Klipper (Le Processus de paix), Léonie Simaga dit avoir manqué de la pugnacité nécessaire à l’adhésion au club restreint des acteurs vedettes. Elle aimerait en être, sans pour autant nourrir de regrets quant à sa trajectoire de bonne élève dont elle dit avoir le syndrome. On ne se refait pas. Et ses dix années au Français ont façonné une actrice talentueuse qui vit de son métier en y trouvant satisfaction dans des propositions qui lui plaisent. « Quand c’est nul, je suis hors des radars, s’amuse-t-elle. Mais quelqu’un qui souhaite avoir une comédienne métisse, plus toute jeune, intello, de gauche, estampillée Comédie-Française et qui n’a pas sa langue dans sa poche, est forcément intéressant. Il est toujours difficile de dire à quoi ça tient, mais il y a à la fois chez moi le côté exotique, on va dire, et un grand classicisme. »
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Diversité des registres
Une forme d’autorité également, sans doute est-ce la raison pour laquelle elle a campé à de nombreuses reprises des flics à l’écran. Cela n’empêche guère l’humour, la douceur, ni la diversité des registres, de la dystopie (Trepalium, LT-21) au drame (Les impatientes). Elle vient d’envoyer la première version d’un scénario adapté d’un livre à son agent, une productrice et Nicolas Pariser. « Un long métrage très intellectuel et donc pas facile à caser, éclaire-t-elle. Il faudrait que je me batte pour qu’il existe. Reste que ça demande un temps et une énergie que je consacre à gagner ma vie et à m’occuper de mes enfants. Et puis là encore, il faut de l’ambition. Je garde cette impression que si je fais tout bien, j’aurais une bonne note, mais ce n’est pas comme ça que ça marche. » Le syndrome de la bonne élève, définitivement.
Clean, de Claire Lemaréchal et Franck Philippon, avec Alix Poisson, Léonie Simaga. Quatre épisodes de 52 minutes. Les 4 et 11 avril à 21 h 10 sur M6.
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