
Samedi 18 novembre 2023. Thomas, 16 ans, est tué d’un coup de couteau en plein cœur à la fin d’un bal de village, à Crépol, dans la Drôme. Trois autres personnes sont grièvement blessées. Très vite, l’information se répand que les jeunes agresseurs seraient originaires de la Monnaie, un quartier sensible de Romans-sur-Isère. « Ils sont venus pour planter des Blancs… », accusent deux témoins dans Le Dauphiné Libéré. Cette phrase est reprise partout. Dès le lendemain, on parle de « l’ensauvagement de la France » et la scène politique s’enflamme. La droite dénonce un crime raciste envers les Blancs.
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Plus d’un an après, un PV resté sous les radars relance cette thèse, écartée par les magistrats faute d’éléments. Dans le livre-enquête Une nuit en France (Grasset), Jean-Michel Décugis, Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon en détaillent le contenu. Intitulé « Éléments constitutifs de circonstances aggravantes », il y est indiqué, noir sur blanc, que les jeunes de Romans, munis de couteaux, « n’auraient pas eu pour but de se protéger mais de tuer » et que « le caractère racial de l’agression pourrait également être soulevé au vu des propos tenus par les agresseurs durant l’altercation ». Des informations qui auraient pu avoir l’effet d’une bombe pour les journalistes. Mais loin s’en faut…
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Pour Jean-Michel Décugis, interrogé par France Inter, ce PV a été effectué « de façon prématurée ». « Peut-être que la gendarmerie veut faire du zèle ? Peut-être qu’il y a un prisme idéologique qui fait qu’ils se sentent obligés de faire un PV ? D’extraire des auditions du dossier des neuf témoins qui disent avoir entendu un jeune dire qu’il veut tuer du Blanc. » Selon lui, le mobile raciste « ne correspond pas à la réalité du dossier. » Même son de cloche chez son co-auteur Marc Leplongeon, pour qui « il y a eu des insultes racistes anti-blanc, mais le racisme anti-blanc est un concept d’extrême droite, en jurisprudence, ça n’existe pas. »
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Le trio a consacré un chapitre entier au PV, mais pas question d’adhérer à une telle version des faits. Depuis la publication de leur livre, ils s’emploient à relativiser les témoignages qu’ils ont dévoilés : « Ils ne sont pas venus pour agresser, ils sont venus… avec des couteaux. C’est différent ». Ce passage de leur ouvrage, qu’ils répètent sur les plateaux TV, ne passe pas auprès des victimes. Les parents de Thomas ont d’ailleurs dénoncé, par le biais de leur avocat, un récit qu’ils jugent mensonger et irrespectueux à l’égard des victimes. Il ne passe pas non plus auprès d’un gradé de la gendarmerie qui a officié sur l’enquête, contacté par Marianne : « Les journalistes et nous n’avons visiblement pas vécu le même dossier ».
« Soit on ferme les yeux, soit on prend en compte ces témoignages »
« Ces propos (anti-blancs, NDLR), on ne les a pas inventés. Ils figurent dans les auditions des témoins, assure-t-il à nos confrères. Le militaire qui a rédigé ce procès-verbal ne s’est appuyé que sur des éléments actés dans ces auditions ». Pas de « zèle » donc, selon lui. « Nous avons recueilli les témoignages de 200 personnes, et plusieurs d’entre elles mentionnent ces propos. Alors, soit on ferme les yeux et on se bouche le nez, soit on prend en compte ces témoignages qui évoquent un racisme anti-blanc. »
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Quoi qu’il en soit, le parquet, faute d’éléments de preuve en ce sens, n’a pas retenu de circonstances aggravantes liées à « la race, ethnie, nation ou religion ». Aucune certitude ne se dégage quant à l’auteur du coup fatal après 350 auditions, 14 mises en examen, dont trois mineurs, de nombreuses expertises ADN et des heures d’analyse de vidéos.
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