L’essentiel
- Koba LaD, 25 ans, a été mis en examen par un juge d’instruction de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) dans le cadre de l’enquête sur l’évasion de Mohamed Amra.
- Le célèbre rappeur est poursuivi pour association de malfaiteurs en vue de commettre un délit et a été placé sous contrôle judiciaire.
- Il est soupçonné d’avoir été un soutien financier de la cavale de Mohamed Amra. Les enquêteurs ont découvert que sa société a augmenté le salaire d’un de ses associés quatre mois avant l’évasion. Ce dernier aurait utilisé cette augmentation pour payer en espèces le loyer d’un appartement à Compiègne (Oise) ayant servi de planque au narcotrafiquant.
«Tu connais, c’est la BMF, tout en BMF, j’ai des sous du merch. » Les trois lettres sont floquées sur le sweat-shirt noir porté par Koba LaD dans son clip, diffusé sur YouTube en juin 2024. Derrière le rappeur originaire d’Evry dans l’Essonne, des dizaines de jeunes hommes cagoulés portent des tee-shirts et agitent des drapeaux à l’effigie de la « Black Manjak Family ». Le nom, inspiré par celui d’un peuple de Guinée-Bissau, a été donné au label produisant les morceaux de l’artiste qui fête, ce jeudi, son 25e anniversaire derrière les barreaux.
C’est aussi celui d’une organisation basée en Normandie et en Île-de-France qui lui sert de « garde rapprochée », explique une source proche du dossier à 20 Minutes. Côté pile, ses membres sont à la fois des copains de Marcel Junior Loutarila – le vrai nom de l’artiste –, ses gardes du corps et ses agents artistiques. Côté face, certains sont aussi soupçonnés par les enquêteurs de se livrer à des diverses activités criminelles, notamment le trafic de stupéfiants. Dans un document, révélé par Le Parisien, les policiers se demandent si Koba LaD ne servirait pas de « vitrine pour blanchir les revenus générés par le trafic de stupéfiants opéré par les individus se disant membre de la BMF ou proche direct, et ainsi financer et faciliter d’autres activités criminelles de cette association de malfaiteurs ». « Ce sont des mecs dangereux », résume une source proche du dossier.
Une intrigante augmentation
En mars dernier, plusieurs membres de la BMF ont été interpellés par les agents de l’OCLCO (Office central de lutte contre le crime organisé) qui enquêtent sur l’évasion et la cavale de Mohamed Amra. Les policiers les soupçonnent d’avoir aidé le narcotrafiquant qui s’est échappé lors de son transfert entre le palais de justice de Rouen et la prison d’Évreux. Il faut dire que les liens entre « La Mouche » et la BMF sont nombreux. Amra a grandi dans la cité de la Madeleine, à Evreux, dans l’Eure, comme plusieurs membres du clan. Il serait notamment proche Jean-Charles P., une figure du grand banditisme, présenté comme étant le chef de la BMF. Ce dernier est soupçonné d’être l’un des « cerveaux » de l’attaque du convoi pénitentiaire au péage d’Incarville.
Par amitié, peut-être, et par intérêt pour leurs affaires, sans doute, les membres de la BMF se seraient mis au service de celui qui a été interpellé en Roumanie le 22 février dernier, neuf mois après son évasion. L’un des fondateurs de cette organisation, Hervé M., est soupçonné d’avoir payé, en liquide, le logement loué à Compiègne dans lequel Mohamed Amra a passé une partie de sa cavale. Il se trouve que cet homme est « associé et salarié depuis 2022 dans une des trois sociétés mises en place autour de l’artiste pour gérer sa carrière », a expliqué au Parisien Me Arthur Vercken, qui défend, aux côtés de Me Stéphane Cherqui, Koba LaD. Contactés, les deux avocats n’ont pas souhaité répondre aux questions de 20 Minutes, estimant avoir tout dit à nos confrères.
Une rencontre à la Santé
Les enquêteurs de la PJ ont découvert que le rappeur avait augmenté de plusieurs centaines d’euros le salaire de celui qui est aussi son cousin, quatre mois seulement avant l’évasion de Mohamed Amra. Ce qui leur fait penser que Koba LaD, s’il n’est pas « directement impliqué » dans l’évasion de « La Mouche », était au moins « au courant de l’affaire ». « Ce sont les mecs de son environnement qui sont à l’origine de tout ça », « il les connaît depuis longtemps » insiste une source bien informée. Les policiers se demandent si l’artiste n’aurait pas, non plus, financé indirectement « une partie de la cavale » de Mohamed Amra. « Il va falloir que les investigations le démontrent, mais c’est quelque chose qu’on soupçonne fortement. »
Une hypothèse renforcée par le fait que Koba LaD connaissait personnellement Mohamed Amra. Les deux hommes avaient été présentés par des amis communs il y a quelques années. En novembre 2022, ils ont partagé durant une vingtaine de jours une cellule à la maison d’arrêt de la Santé à Paris. « La Mouche » était soupçonnée d’avoir commandité le meurtre d’un homme à Aubagne (Bouches-du-Rhône) afin de lui voler une centaine de kilos de cannabis. Le célèbre rappeur, lui, était en détention provisoire après avoir participé à une bagarre dans une boîte de nuit parisienne. « Ils se connaissaient, mais ils n’ont gardé aucun contact depuis lors », a assuré au Parisien Me Stéphane Cherqui.
« Cette mise en examen ne se justifie pas »
Koba LaD a été extrait, le 24 mars dernier, de la prison dans laquelle il a été placé en attendant d’être jugé pour un accident de voiture mortel, survenu en septembre 2024, à Créteil (Val-de-Marne). A l’issue de sa garde à vue, il a été mis en examen par un juge d’instruction de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco). L’artiste est poursuivi pour association de malfaiteurs en vue de commettre un délit puni de cinq ans et a été placé sous contrôle judiciaire, contrairement aux réquisitions du parquet.
Devant les policiers, le rappeur a contesté toutes ces accusations. « On reproche à Koba LaD des amis d’enfance et des voisins de palier. Ce n’est pas parce qu’on connaît quelqu’un qu’on participe à ses activités criminelles. Si on raisonne comme ça, des centaines de personnes seront mises en examen dans ce dossier », insiste une source dans l’entourage du musicien. Cette mise en examen, estime-t-elle, « ne se justifie pas ». « On lui reproche d’avoir augmenté un de ses salariés, mais un salarié fait ce qu’il veut de sa rémunération. En quoi son employeur en serait responsable ? Ce n’est pas sérieux. »