Elle a débuté comme mannequin, mais Ines de la Fressange est passée de l’autre côté du podium puisqu’elle est aujourd’hui créatrice pour la marque qui porte son nom et a dessiné une collection pour Uniqlo durant dix ans. Elle fait parfois encore des apparitions sur les podiums : elle avait défilé pour Balenciaga et Charles de Vilmorin en 2023, mais cela faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vue sur une affiche dans la rue. C’est chose faite : elle est en ce moment sur les kiosques et les colonnes Morris pour vanter les mérites de la crème de Huit Heures d’Elizabeth Arden. Elle dessine toujours pour la marque Ines de la Fressange Paris et est ambassadrice de la maison Roger Vivier. Sans compter qu’elle écrit aussi des livres. À un âge (67 ans) où elle devrait être retraitée, Ines travaille plus dur que jamais.
LE JDD. Vous devriez être à la retraite mais vous travaillez toujours plus ?
Ines de la Fressange. Tous les premiers janviers, ma résolution est de travailler moins, d’avoir une vie plus sereine, plus calme, d’être plus à la campagne et de faire du yoga ou des activités du genre. Et puis, on me propose des choses qui m’amusent, alors je ne dis pas non.
Comme cette campagne pour la crème de Huit Heures d’Elisabeth Arden qui bénéficie d’une belle visibilité dans les rues de Paris ?
J’ai accepté cette campagne car j’aimais le produit. J’ai été surprise quand ils m’ont contactée, car j’ai quand même un âge respectable pour faire mannequin… Puis j’ai été flattée et quand c’est un produit qu’on aime, on accepte facilement. J’aime bien aussi les produits qui traversent les décennies. Non pas que je m’identifie, mais je me dis qu’il y a une vérité. J’ai commencé à l’utiliser dans les backstages des défilés. On s’en servait comme d’un gloss. Et je suis restée attachée à cette crème : elle est multiusage et le tube dure une éternité. Quand on me demande quels sont mes produits de beauté cultes, je la cite toujours. J’imagine que chez Elisabeth Arden, ils ont remarqué cela. Habituellement, c’est le contraire : on fait d’abord une campagne pour une marque, puis après on se sent obligée de citer la marque dans l’interview. Moi, c’est juste le contraire. D’ailleurs, je vais commencer à parler de Rolls-Royce maintenant. On ne sait jamais…
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Vous avez aussi beaucoup de projets pour Roger Vivier ?
Oui, mais je ne peux malheureusement rien dire avant le mois d’octobre. J’ai récemment posé pour Roger Vivier avec mes filles, Nine et Violette d’Urso. Là aussi, c’était comme une évidence pour mes filles qui ont grandi avec la marque que j’ai rejointe en 2004. Ça fait partie de leur enfance : elles connaissent l’histoire de la maison, elles passaient leur temps dans mon bureau. Aujourd’hui, elles ne travaillent pas dans la mode (Nine est comédienne et Violette auteure et étudiante), mais elles ont un sens du style incroyable.
« Le meilleur moyen de plaire aux autres, c’est de se faire plaisir »
En plus, vous dessinez des collections pour la griffe Ines de la Fressange Paris et vous enchaînez les collaborations ?
On vient de sortir une collection avec Dim. Là aussi c’était sincère et évident. Ce sont les collants et sous-vêtements de mon adolescence. Et depuis que j’ai arrêté de dessiner pour Uniqlo, je regrette de ne pas m’adresser à un très large public. J’ai dessiné des modèles que je porterai. Le meilleur moyen de plaire aux autres, c’est de se faire plaisir. Vous apprendrez donc que j’aime bien les petites culottes en coton ! Je peux aussi révéler en exclusivité qu’on a collaboré avec Smeg pour une petite ligne d’électroménager qui sortira prochainement. Ça aussi, c’est sincère. Smeg fait partie de ma vie quotidienne, j’adore leur design. J’ai fait tout en bleu, blanc, rouge, trois couleurs pour lesquelles j’ai un fort penchant.
Comment envisagez-vous la mode ?
Je la vois comme un service. Je veux penser aux femmes qui s’habillent à sept heures du matin et qui doivent rester habillées de la même façon toute la journée. Et puis à l’espace que les gens ont pour ranger leurs vêtements, il faut donc pouvoir mélanger les choses et les garder d’une saison à l’autre. Je veux que ce soit joyeux, mais en même temps, raisonnable. Pour ma marque Ines de la Fressange Paris, j’ai créé un pantalon qui s’appelle Charlotte. Cela fait au moins quatre ans qu’il est dans nos collections : on change les couleurs et les matières, mais on le garde parce que les femmes l’adorent.
En plus de vos activités mode, vous écrivez aussi des livres dont le dernier qui est en italien avec l’écrivain Erri De Luca ?
Mon ami Erri m’avait envoyé un lien pour que je regarde un film le concernant. Je lui ai envoyé une grande lettre pour lui dire ce que j’avais pensé du film. On a commencé une correspondance. Et il m’a dit : « j’aimerais publier nos échanges ». Avec Erri, il n’y a pas de conversation superflue, alors que moi je ne suis qu’une boule de frivolité : c’est l’amitié la plus surréaliste qui soit ! Et puis, en même temps, on a une vision commune des choses. Ce livre parle du fait de rentrer dans le troisième âge. On peut avoir une vie de jeune, mais c’est difficile de se déclarer jeune. Je crois qu’on décide, ou pas, d’une certaine attitude, mais enfin la réalité, c’est la date de naissance sur le passeport. On s’est posé des questions sur ce que ça changeait, quelles étaient les priorités. Ce livre titré L’età sperimentale (Feltrinelli editore) sortira bientôt en français.
Vous n’êtes donc vraiment pas prête de ralentir vos activités…
J’ai commencé à lire l’ouvrage 4 000 semaines d’Oliver Burkeman (éditions First). Il a été vendu à plus d’un million d’exemplaires. C’est « un anti-manuel de gestion du temps à l’usage des mortels ». Il cherche à montrer comment vivre sereinement dans un laps de temps aussi court. J’en n’ai lu que cinq pages, donc ça va être dur de vous dire exactement quelles sont les solutions, mais je sais déjà qu’il faut apprendre à respirer et ne pas être dans l’attente de quelque chose qui va arriver. Alors, il y a plein de choses que j’aime faire mais pour lesquelles je ne me réserve pas suffisamment de temps. La poterie, par exemple. C’est ma nouvelle passion. Je me dis qu’à tout âge, on peut apprendre quelque chose. Il faut aussi apprendre à flâner et à perdre son temps. Les gens critiquent beaucoup les réseaux sociaux, mais grâce à eux, on découvre des gens qui font des choses fascinantes. J’ai toujours plein d’idées. Mon but ultime ? Ce serait d’être installée sur une chaise, entourée de jeunes gens avec des ordinateurs et les faire travailler sur des projets. Faire travailler les autres, je suis très douée pour ça…
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