C’est une brèche historique au sein de l’Union européenne. Mercredi dernier, le gouvernement autrichien a annoncé la suspension partielle des procédures de regroupement familial. Un « arrêt nécessaire », selon la ministre de l’Intégration autrichienne, Claudia Plakolm, consciente de l’incapacité de son pays à accueillir correctement de nouveaux immigrés.
« À chaque nouvelle arrivée, la probabilité d’une intégration réussie diminue », a justifié Plakolm, membre du Parti populaire autrichien, le mouvement conservateur à la tête de l’Autriche. Talonné sur sa droite par les nationalistes du FPÖ, Christian Stocker, le chancelier autrichien, est contraint de durcir le ton sur sa politique migratoire. En plus de ce coup d’arrêt porté au regroupement familial, les règles encadrant le droit d’asile ont, elles aussi, connu leur lot de restrictions.
Quelques kilomètres plus à l’est, c’est la Pologne de Donald Tusk qui est entrée dans la danse. Le Premier ministre polonais a signé une ordonnance suspendant temporairement le droit d’asile pour les migrants en provenance de Biélorussie. Là encore, il s’agit d’une brèche absolument inédite dans l’histoire de la politique d’asile des États membres de l’Union européenne.
Pour justifier cette mesure, Varsovie a rappelé que la Russie et la Biélorussie utilisaient l’immigration clandestine comme une arme de déstabilisation contre la Pologne, mais aussi contre l’Europe. Depuis 2021, des centaines de clandestins tentent de franchir illégalement la frontière avec le Bélarus, poussant les autorités polonaises à militariser la zone. Il arrive régulièrement que des militaires fassent usage de leur arme pour dissuader les migrants de franchir le mur de cinq mètres qui sépare les deux pays.
La fin de l’immigrationnisme en Europe ?
Un vent de contestation souffle sur une partie de l’Europe, assaillie par des flux migratoires qui n’ont cessé d’augmenter depuis le début des années 2000. Face aux conséquences sur l’insécurité et la cohésion sociale, plusieurs chancelleries ont décidé de prendre les choses en main.
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Le Danemark, dirigé par une coalition centriste, est aux premières loges de cette fronde. Réduction drastique des visas d’asile, campagnes de communication dans les pays d’origine pour dissuader les migrants de venir, procédures d’expulsion accélérées, la Première ministre Mette Frederiksen assume de faire de la lutte contre l’immigration sa priorité. Dans un récent entretien à Politico, cette dernière a qualifié l’immigration massive de « menace pour la vie quotidienne en Europe ». Des discours similaires, parfois traduits en actes politiques, éclosent un peu partout sur le Vieux Continent.
Suède, Italie, Slovaquie, Grèce ou Bulgarie, l’immigration tous azimuts n’a plus bonne presse. Et la petite musique qui résonne aux États-Unis, sous l’impulsion de Donald Trump et de J. D. Vance, contre les flux migratoires illégaux, pourrait trouver un écho sous les latitudes européennes.
La contre-offensive des ONG
Le changement de paradigme ne sera pas si simple. Particulièrement attentives sur les questions migratoires, plusieurs organisations non gouvernementales ont d’ores et déjà sonné la charge. En Pologne, par exemple, Human Rights Watch cherche, depuis des mois, à faire annuler la suspension du droit d’asile accordé aux clandestins. L’ONG internationale a même intimé à l’Union européenne d’intenter une action en justice contre Varsovie, dont les mesures iraient à l’encontre des droits élémentaires garantis par l’UE.
Même chose en Autriche, où le très à gauche « Bureau autrichien de la coordination de l’asile » en appelle à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour faire reculer Vienne sur sa volonté de restreindre le regroupement familial. De nombreuses organisations internationales font pression sur les institutions européennes pour faire condamner les pays dont les politiques migratoires sont jugées trop fermes. La Hongrie, la Pologne et la République tchèque ont déjà été condamnées à verser des millions d’euros par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour atteintes à la politique d’asile de l’Union. À la fin de l’année 2024, une procédure a été intentée contre l’Italie de Meloni, qui cherche à externaliser les demandes d’immigration en Albanie. Une multiplication de procédures bâillons qui pourrait décourager les plus petits pays de l’UE, peu disposés à faire face à de telles sanctions.
Et la France, dans tout ça ? Si Bruno Retailleau s’affaire, depuis qu’il occupe Beauvau, à renforcer l’arsenal migratoire du pays face à l’immigration clandestine, ses efforts butent sur un cadre juridique particulièrement restreint. Conseil constitutionnel, jurisprudences en matière d’asile, recours devant le Conseil d’État, les garde-fous sont trop nombreux pour qu’une restriction du droit d’asile ou du regroupement familial puisse, pour le moment, être réellement envisagée. Même la renégociation des accords bilatéraux entre la France et l’Algérie, premier pays en matière de départs migratoires, ne semble plus être sur la table, malgré la vindicte d’Alger envers Paris. Au Danemark, en Italie ou en Pologne, les lois restrictives sur l’immigration portent leurs fruits et sont plébiscitées par les citoyens. Une leçon évidente, que n’oublieront pas les futurs candidats à l’élection présidentielle de 2027.
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