Après des décennies de discrédit, la peinture figurative n’est plus un genre ringard mais un art de résistance. Mieux : un art d’avenir. De génération en génération, des artistes ont continué à peindre envers et contre tout – des corps, des paysages, des mythes, des songes. Leurs œuvres témoignent d’une puissance poétique et d’une vitalité esthétique capable d’émouvoir un large public tout en maintenant une exigence technique irréprochable.
Cette résurrection picturale doit beaucoup à des figures comme Amélie Adamo et Numa Hambursin, commissaires d’art contemporain qui tracent à Art Paris une cartographie sensible de la figuration hexagonale. Leur parcours, qui présente une sélection de 30 artistes, entend rétablir une filiation picturale entre générations, entre héritages classiques et audaces contemporaines. Un manifeste subtil et éclatant pour démontrer que la figuration, loin d’être dépassée, est aujourd’hui plus pertinente que jamais, capable d’incarner les tumultes du monde et d’offrir un refuge aux âmes sensibles en quête de beauté.
Vincent Bioulès, le soleil de la Méditerranée

Vincent Bioulès (1938), maître solaire du paysage méditerranéen, décline sans relâche les nuances vibrantes de sa terre natale. Enfant du Midi, il capte sa lumière avec la précision d’un orfèvre et la sensualité d’un poète. Du pic Saint-Loup à la garrigue, ses toiles chantent le relief, les couleurs, la géométrie éclatante du paysage méridional. Peindre « sur le motif », sur les pas de Paul Cézanne, est pour lui un acte d’amour, de patience, presque un sacerdoce.
Fondateur du mouvement Supports/Surfaces, il s’en est détaché sans renier son exigence formelle. Il en a gardé le goût du plan, du rythme, du regard structuré. Mais il a remis des arbres, des collines, de la vie dans ses toiles. La figuration comme une respiration. Aujourd’hui, à près de 90 ans, il continue d’enseigner, de peindre, de transmettre. Avec lui, la peinture devient une leçon d’harmonie et une école du regard.
Représenté par la Galerie La Forest Divonne
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Ronan Barrot, la peinture à l’état brut

À cinquante deux ans, Ronan Barrot ne peint pas des sujets, il monte et construit des scènes. Passé par l’atelier de Vincent Bioulès, révélé par Yan Pei-Ming à l’École des Beaux-Arts, Barrot s’est imposé comme un peintre viscéralement peintre. Sa connaissance encyclopédique de l’histoire de l’art (de Goya à Bacon, de Titien à Rebeyrolle) irrigue une œuvre puissante, expressionniste, où le geste ample racle, rature, repeint jusqu’à faire surgir une image juste.
Jouant avec les couleurs et les contrastes, sa matière est dense, généreuse. Il faut voir ses vanités modernes, ses paysages dévorés par les ombres, ses grandes figures enténébrées pour comprendre : Barrot peint le monde comme un mystère à affronter, oscillant entre la figuration et l’abstraction, le classicisme et la modernité, le savant et le populaire. Il vit à Paris, expose depuis vingt ans chez Claude Bernard, et poursuit son chemin avec l’assurance tranquille de ceux que la peinture ne quitte jamais.
Représenté par la Galerie Claude Bernard
Barbara Navi, la matière des rêves

Formée à l’architecture et au design, passée par la philosophie, Barbara Navi peint comme on traque les spectres de la mémoire. Depuis la fin des années 1990, elle développe une œuvre hantée par l’« inquiétante étrangeté » : des scènes floues, des visages d’enfants, des fêtes figées, des paysages brouillés, comme arrachés à un rêve dont on ne se souvient qu’à moitié. La netteté fuit, les contours s’effacent. C’est précisément là que la magie opère. Ce qu’elle peint ? L’instant d’avant. L’apparition fragile de ce qui n’a pas encore de nom. Influencée par l’hyperréalisme américain, puis marquée par Neo Rauch – l’un des plus grands artistes contemporains allemands – et Sam Szafran, elle construit une peinture sensorielle et mentale, où l’image s’altère, se désagrège, résiste. Une œuvre singulière, puissante, qui invente un espace poétique où la peinture devient un théâtre de l’âme.
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