Depuis le début des discussions de paix, la Chine resserre ses liens avec son allié russe. Récemment, le vice-ministre russe des Affaires étrangères s’est rendu à Pékin pour des entretiens à huis clos, confirmant une coordination accrue. La visite, cette semaine, de Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, a elle aussi été dominée par la question ukrainienne, notamment le rôle ambigu que la Chine pourrait jouer.
Loin des postures martiales de Moscou et de l’euphorie de Washington, Pékin adopte une réserve stratégique. Son commerce avec la Russie a grimpé de 65 % en trois ans, atteignant 200 milliards de dollars en 2024, alimenté par des échanges de drones, semi-conducteurs et gaz. « Trump veut briller sous les projecteurs, mais Pékin ne laissera pas Moscou devenir son pion sacrifié », tranche Li Wei, analyste à l’université de Pékin. Un cessez-le-feu risquerait de geler ces flux économiques ou de fragiliser le Kremlin.
Certains stratèges chinois voient pourtant une opportunité dans une trêve qui stabiliserait les approvisionnements énergétiques. Mais « si Trump impose ses conditions, la Russie risque de céder des positions clés, et la Chine en paiera le prix », prévient Li. L’agacement pékinois face à l’offensive américaine est manifeste. « Trump n’est pas un diplomate, c’est un marchand de tapis », tacle Zhang Mei, chercheuse en sciences politiques. Les ambitions américaines sur les richesses ukrainiennes – terres rares, uranium, blé – exaspèrent Pékin, qui voit Washington tenter de reprendre la main sur un conflit qu’il a laissé s’enliser. « Si Trump réussit, il nous vole la vedette. S’il échoue, nous ramasserons les morceaux », ajoute Zhang.
La rivalité sino-américaine atteint un sommet. Un rapport récent du renseignement américain qualifie la Chine de « menace militaire la plus globale ». Pékin redoute que le cessez-le-feu ne serve qu’à renforcer l’emprise occidentale en Russie, une zone qu’elle considère stratégique. « Trump parle de paix, mais il flaire surtout les dollars et le pouvoir », persifle le Global Times. Xi Jinping pourrait-il s’inviter aux négociations ? Trump a récemment évoqué une médiation chinoise, ce qui divise les experts. « Une occasion en or pour éclipser Washington », avance Chen Hao, professeur à l’université Fudan. Xi Jinping en faiseur de paix ? Un atout de propagande pour la Chine, mais « Pékin n’agira pas sans contreparties : gaz bon marché, routes commerciales, influence accrue », nuance Chen. L’envoi de troupes sous égide de l’Onu reste tabou.
L’Ukraine, malgré ses cicatrices, attise les convoitises. Ses terres fertiles et ses ports stratégiques sont des atouts pour les nouvelles routes de la soie, projet phare de Xi. Trump, lui, veut en faire un tremplin économique. « La Chine ne laissera pas les Yankees rafler la mise sans contre-attaquer », promet Chen. Pour l’instant, Pékin observe. L’agence Xinhua couvre sobrement les pourparlers, signe d’une stratégie en gestation. « On attend de voir qui s’effondre en premier », résume Li Wei. Si Trump échoue, la Chine soutiendra Moscou avec des contrats juteux. S’il réussit, elle recalibrera sa stratégie, prête à défier Washington sur le long terme.
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« La Chine ne laissera pas les Yankees rafler la mise sans contre-attaquer »
Un point fait consensus : la Chine ne joue pas le destin de l’Ukraine, mais son propre avenir. « Ce n’est pas une guerre que nous regardons, mais un échiquier que nous dominons pas à pas », conclut Zhang Mei. Trump mise gros, et Pékin compte les points, affûtant ses pions pour le prochain acte. L’Ukraine, champ de ruines disputé, n’est qu’un pion de plus dans cette lutte impitoyable.
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