« Je te jure, je ne sais pas ce qu’il lui a pris, on ne comprend pas pourquoi il a dit ça. » Quelques jours après la sortie du Premier ministre sur France Inter fermant la porte à un retour aux 62 ans, Catherine Vautrin, ministre du Travail, reçoit à déjeuner un grand élu socialiste pour tenter d’arrondir les angles. Après les propos de François Bayrou reprenant le terme de « submersion » pour qualifier la pression migratoire, son violent coup dans la porte refermée sur la main des partenaires sociaux, crispe à nouveau le groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
« La censure est toujours sur la table », prévient Olivier Faure en réponse à la sortie de François Bayrou. Depuis lors, les socialistes les plus remontés montent le son en faveur d’une motion de censure fin mai, à l’issue d’un conclave dont ils anticipent l’échec, les plus raisonnables en sont à supplier Bayrou de « leur donner un truc » – pour reprendre l’expression de l’invité de Catherine Vautrin – qui justifierait de ne pas le censurer.
Et pour cause, politiquement, le PS n’a absolument aucun intérêt à faire tomber le gouvernement et à prendre le risque d’une nouvelle dissolution alors que la procédure de divorce avec LFI est bien entamée. Sans accord électoral, peu de chances de maintenir un groupe de 62 unités à l’Assemblée. Si le grand corps malade socialiste n’est pas tombé à la renverse, il commence à peine à reprendre des forces et compte sur son congrès, le 13 juin prochain à Nancy, pour se relancer autour, espèrent les opposants à Olivier Faure, d’une direction renouvelée, rassembleuse et légitimée par une large victoire. Mais pour que le plan se déroule sans accroc, il faut que Bayrou « leur lâche un truc »…
Dans leurs rêves les plus fous, sur la base des conclusions du conclave et du point de crispation autour de l’âge, les socialistes proposent un compromis sur une demi-poire : pas de retour à 62 ans, ni de maintient à 64 ans… topons pour 63 ans ! À ce sujet, François Bayrou, dans l’émission maudite du 16 mars, avait botté en touche.
Coût estimé : autour de 10 milliards d’euros, « toujours moins élevé que le coût de le censure », évalue un épicier du groupe socialiste, qui ajoute dans le panier une clause de revoyure au moment de la campagne présidentielle de 2027 : « Ça permet à Bayrou de s’acheter du temps. » Pour les socialistes, arracher 63 ans permettrait de moucher les Insoumis, promoteurs du « tout ou rien », et de renouer avec la posture d’une gauche responsable, de gouvernement, capable de faire des compromis sans renier son identité.
La suite après cette publicité
Pour François Bayrou, le but est de passer l’été en renvoyant d’éventuels aménagements de la réforme des retraites à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en octobre. Qu’elle qu’en soit l’issue, la fin du conclave ne devra pas déboucher sur une nouvelle porte fermée au visage des socialistes dans les 24 heures qui suivent. Dans ces conditions, les socialistes, même à leur corps défendant, n’auront que peu d’arguments pour ne pas censurer.
Bref, après s’être embarqués sur un radeau dérivant sans port d’arrivée, François Bayrou et les socialistes cherchent à débarquer sans dessaler, les deux parties risquant fort de se retrouver à la baille. Tous deux tablent sur la main secourable de la CFDT, qui n’a toujours pas quitté le radeau, et dont la plus mince des satisfactions sur les carrières longues et celles de femmes, seraient une bouée inespérée à laquelle se raccrocher.
Source : Lire Plus