La grille de l’Élysée n’a jamais paru aussi proche de s’ouvrir à Marine Le Pen. Avec 37 % d’intentions de vote dans l’hypothèse la plus favorable, la candidate du RN sort 10 points plus haut que son score de premier tour en 2022. Si elle parvenait à être candidate – libérée de toute contrainte judiciaire – et à transformer les intentions de vote en voix au soir du premier tour en 2027, elle rejoindrait, dans l’histoire récente, François Mitterrand (34 % en 1988) et Nicolas Sarkozy (31 % en 2007), au sein du club restreint des candidats de premier tour à plus de 30 %.
« La page du RN Jean-mariniste est définitivement tournée », résume le patron de l’Ifop, Frédéric Dabi. Les retraités qui assimilaient jadis le vote Le Pen au chaos choisissent désormais majoritairement Marine Le Pen dans un étiage autour de 40 % selon les scénarios. Mais le levier le plus massif pour le RN se trouve dans la bascule de la France qui travaille. Salariés du privé et du public placent Marine Le Pen en tête, largement – autour de 30 % –, quels que soient ses concurrents.

Autant une présidentielle peut se perdre malgré le soutien des retraités, comme ce fut le cas pour Giscard en 1981 ou Chirac en 1988, autant elle ne peut se gagner sans le ralliement de la France des actifs. C’est sans doute, dans ce sondage, le signe que le plafond de verre peut sauter et permettre à Marine Le Pen d’envisager sérieusement la victoire. Sous réserve que le théorème édicté par Guy Mollet puis Charles Pasqua ne s’applique : « Au premier tour on choisit, au second, on élimine. »
Relégué entre 11 et 15 points derrière, Édouard Philippe demeure le mieux placé pour se qualifier au second tour. Stable, constant, entre 20 et 25 % d’intentions de vote selon les hypothèses, Philippe reste tanqué dans les mêmes eaux depuis qu’il est testé en mars 2023. Une atonie qui s’explique sans doute par sa grande discrétion dans le débat public avant de, progressivement, monter dans les tours. Pour autant, Philippe, s’il regarde dans son rétro, verra arriver dans l’aspiration Gabriel Attal.
Avec 20 % d’intentions de vote, le padawan fait quasi-jeu égal avec le jedi du Havre. Une percée d’autant plus remarquable qu’en dehors d’une allusion sibylline dans une interview au Point à l’automne – « J’ai une page à écrire avec les Français » –, le patron de Renaissance n’a pas formellement fait acte de candidature. S’il se déclarait, nul ne peut dire qu’il ne passerait pas devant Philippe sur un premier tour virtuel.
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Dans le rétro toujours, mais sur sa droite, Édouard Philippe voit débouler à vive allure l’autre outsider inattendu de la course à l’Élysée. Moins de huit mois après que le grand public l’a découvert au très exposé ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau se cale directement au-dessus de la barre des 10, à 11 % d’intentions de vote. Passer de l’inconnu à un score à deux chiffres pour son premier tour de chauffe a de quoi nourrir les ambitions du Vendéen. Fidèle à sa stratégie de ne pas mettre les gaz trop tôt, Retailleau capitalise sur la fonction du moment sans brûler les étapes. Sous le capot, les secrets de sa mécanique résident dans sa capacité à séduire 11 % des électeurs RN des européennes, tout en captant 22 % de ceux qui ont voté Renaissance.

Sur l’autre bord, Jean-Luc Mélenchon fait de la résistance. Il conserve notamment 55 %, en moyenne, de ceux qui ont voté pour lui au premier tour de 2022. Certes, il se maintient à 13 % d’intentions de vote, mais se retrouve à plus de 20 points derrière Le Pen. Son pari d’un « face-à-face » victorieux en cas de second tour face à elle semble désormais relégué au rayon des fabulettes. Le vote repoussoir, désormais, « c’est lui ! ».
À gauche aussi, c’est l’outsider qui trouble le jeu, en la personne de Raphaël Glucksmann, testé à 11 %. Non seulement il enfonce Olivier Faure dans la posture du candidat d’union PS-Place publique, crédité au mieux de 5 %, mais il bonifie le total gauche à… 29 %. Pas de quoi claironner, donc, pour la famille social-démocrate qui n’a jamais été aussi faible. Face à une montée en puissance de la droite « nationale », l’addition des scores de Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan culmine à 45 %, un sommet jamais atteint.
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