Jeudi, vers 15h00, l’individu a surgi de nulle part, en plein cœur d’Amsterdam. Se mettant à courir, il a poignardé, dans le dos, cinq promeneurs – un couple de sexagénaires américains, une femme belge de 73 ans, un Polonais et une jeune hollandaise – qui déambulaient dans les ruelles bigarrées qui entourent le Dam, la place centrale d’Amsterdam, toujours très fréquentée par les touristes.
Après l’attaque, il prenait la fuite, toujours au galop mais était poursuivi par un trentenaire en pleine forme qui, fort courageusement, le rattrapait et le maîtrisait avant de le remettre à la police.
Et c’est là que le mystère commence… Après un rapide passage par l’hôpital (l’homme avait été légèrement blessé), le suspect était emmené dans les bureaux de la police et placé en garde à vue. Les enquêteurs tentaient, dès lors, d’établir son identité et de déterminer le mobile qui l’avait poussé à passer à l’acte.
Double échec. Sur son identité, d’abord : l’homme était porteur de plusieurs documents, mais établis, nous assure-t-on… à des noms différents. On trouvait toutefois sur lui une clé qui amenait les forces spéciales de la police à perquisitionner un hôtel proche du Dam. Une vingtaine de limiers la fouillant durait près de 2 heures mais, semble-t-il, sans y faire de découverte sensationnelle.
Et ce n’est pas l’auteur des faits qui va aider la police : « Soit il reste silencieux, soit il se livre à des déclarations vagues ou contradictoires », nous confie un spécialiste hollandais du contre-terrorisme. Ceux qui se relaient pour l’interroger n’ont pas plus de chance dans la recherche d’un mobile. La possibilité qu’il ait agi sous l’emprise de stupéfiants a été écartée au vu des résultats des analyses sanguines. Il en va de même de l’hypothèse de l’acte d’un dément – une « piste » régulièrement évoquée, on le sait, dans ce genre de contexte : l’homme ne montre aucun signe de déséquilibre et, après 48 heures de garde à vue, la police n’a pas jugé utile de le transférer dans une unité médicale spécialisée.
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Le modus operandi continue à faire de la piste terroriste l’une de celles qui sont privilégiée, mais on s’étonne de l’absence totale de revendication, que ce soit de la part d’un groupe ou de l’intéressé lui-même. À ce stade, les certitudes sont donc rares : l’homme a agi seul, c’est un étranger (sans doute « originaire d’Europe de l’Est ou de l’ex URSS »), arrivé à Amsterdam la veille de l’attaque, et il était en possession de plusieurs couteaux qu’il a tous utilisés.
La piste russe…
Dès lors, les rares éléments de profilage disponibles (son calme, son origine est-européenne supposée) ont fait naître une nouvelle hypothèse. Depuis vendredi soir, dans les milieux proches de l’enquête, on agite, avec une certaine insistance, l’idée que l’attaque pourrait être liée à la « géopolitique » ambiante : l’enquête pourrait – le conditionnel, une fois de plus s’impose – avoir été commanditée par une puissance étrangère ayant intérêt à déstabiliser un pays membre de l’Otan en répandant la peur.
« Nous travaillons effectivement sur une nouvelle possibilité », nous affirme le même enquêteur : « Celle que l’homme serait Russe, Ukrainien, ou ressortissant d’un autre État de l’ex-Union soviétique et aurait été téléguidée par les services spéciaux moscovites ». Une idée qui semble relever du mauvais roman d’espionnage mais qui ne peut, pourtant, être totalement exclue : depuis 2022, la « main de Moscou » est apparue, de manière prouvée, dans différents sabotages ou tentatives de sabotage (entre autres en France) et il se disait avec insistance dans la communauté du renseignement, il y a quelques mois que le GRU (renseignement militaire) aurait même planifié des assassinats en Europe. Des arrestations ont d’ailleurs été opérées dans ce cadre en Allemagne et en France.
L’étrange silence du parquet
Deux éléments viennent nourrir cette thèse. Primo, le parquet est étrangement silencieux et n’a livré, jusqu’à présent, que de courtes déclarations très factuelles. Secundo : le profil d’un autre acteur du drame (le jeune britannique qui a maîtrisé l’agresseur) interroge, au point de donner lieu à diverses légendes urbaines et autres théories du complot. Celui que toute la presse et les autorités (au plus haut niveau) saluent comme un « authentique héros » qui a, incontestablement, risqué sa vie, refuse, curieusement, tout contact avec les médias qui souhaitent l’interviewer ou publier son portrait.
Il se dit donc – ce qui pourrait être corroboré par la détermination, le sang-froid et la « technique » très professionnelle dont il a fait preuve pour immobiliser l’assaillant – que le jeune homme serait… un agent anglais qui aurait été chargé de la surveillance du suspect !
L’ombre de John Le Carré plane au-dessus d’une enquête qui semble loin d’avoir révélé.
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