Un brasero, une réserve de bois, des herbes sèches, il est 15 heures : Juan Arbelaez s’active pour que tout soit prêt à l’arrivée des convives quatre heures plus tard. Nous sommes chez Lôna, au bord du lac d’Annecy, le soleil frappe la surface de l’eau. Maniant rondins et grilles, dans des fumées au fort fumet, le maître des lieux n’est jamais aussi à l’aise qu’aux fourneaux et en train de parler de sa passion, la gastronomie. La discussion virevolte, entre le dîner festif tous les jeudis soirs et le bar à viandes maturées.
De cette chambre froide vitrée, il sort d’épais morceaux de viande de l’Aubrac, de Galice, de bœuf wagyu dans des teintes qui vont du rouge vif à l’incarnat. Une entrecôte soupesée dans les mains, il parle des fournisseurs exceptionnels de la Haute-Savoie, d’Alain Michel, un fromager doux dingue aux reblochons goûtus ; il parle des tests qu’il fait en pâtisserie avant l’ouverture – à demi-dressé, un baba au génepi nous rend baba – ; il parle de la tradition gastronomique d’Annecy, « le lac aux quatorze étoiles Michelin » ; il parle aussi de ses copains qui « sont tous là, dans les cuisines. Alors on va chez les uns et les autres ». Il a bien une idée derrière la tête : que ce soit chez lui, chez Lôna, qu’on vienne faire la fête tous les jeudis.
Le sandre et le cotillon
Depuis plus de dix ans, c’est là le mantra de l’ancien candidat de « Top Chef » : faire cohabiter la fête et l’assiette. Au lac d’Annecy, le sandre et le cotillon. Car c’est bien là, au restaurant de l’hôtel Rivage, qu’il a apposé pour la première fois son nom sur une façade. Tout un symbole alors que toutes ses adresses précédentes étaient à l’évidence signées, d’une main plus discrète. Mais voilà, à 37 ans, Juan Arbelaez continue de décomplexer sa cuisine et d’imposer avec entrain son style culinaire : des produits sélectionnés, une approche généreuse… et des soirées. Alors, dans ses restaurants, on pousse les tables, on laisse se brancher les musiciens et, après avoir bien mangé, on va bien danser, jusque sur les tables.
Le mantra de l’ancien candidat de « Top Chef » : faire cohabiter la fête et l’assiette
Ici en Haute-Savoie, les bras s’ouvrent grand : « Je voulais une carte accessible, du gars de 16 ans qui veut faire rêver sa copine à l’anniversaire de Mamie. » Une recherche de concorde, comme l’indique le nom du lieu, Lôna, qui désigne l’harmonie entre lac et montagne dans le patois savoyard. Ici ou ailleurs, Juan Arbelaez se met dans la peau du client : « Qu’est-ce qu’on voudrait manger ? De l’omble chevalier, du sandre, oui. Des herbes folles venues des alentours, aussi. Des produits de saison, bien sûr. »
Les yeux qui pétillent
Lui qui a débarqué en France en 2007 avec la ferme intention de devenir chef a un parcours qui fait saliver : diplômé de l’école Le Cordon Bleu deux ans plus tard, il fait ses armes auprès de Pierre Gagnaire, au George V sous Weimar Gomez, au Bristol aux côtés d’Éric Frechon, jusqu’à être le bras droit du chef Éric Briffard. C’est sa rencontre décisive avec Jean Imbert, dans l’émission « Top Chef », qui le propulse chef de cuisine en 2014. Un CV impressionnant qui ne lui a pas donné la grosse tête ni ne l’a blasé : Juan Arbelaez a encore les yeux qui pétillent quand il râpe de la truffe ou quand il parle liqueur de verveine et gras de côte.
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Un tour de lac à vélo, quelques longueurs, un tour au sauna plus tard : Juan Arbelaez puise son énergie dans la vie au grand air et une hygiène de vie qui lui permettent d’être généreux en cuisine et d’assurer le service au milieu de la bringue. Et forcément, il déborde : il lance cette année un programme de masterclasses, « Les RDV Esseptionnels », et bientôt une chaîne YouTube. Où s’arrêtera-t-il, si ce n’est même pas au bout de la nuit ?
Six questions au chef !
Le plat réconfort ?
Une côte de bœuf à la cheminée avec une purée de pommes de terre, avec autant de beurre que de pommes de terre !
L’ingrédient qui fait la différence ?
Le citron vert.
Que faire quand on a des amis qui débarquent à l’improviste ?
Des pâtes à l’ail et peperoncino.
À quoi ressemble un jour de repos chez Juan Arbelaez ?
Pas de tout repos ! Sport, balade, marché, dégustation de vin… et les amis.
Votre dessert d’enfance ?
L’arequipe [un dulce de leche comme celui qu’il a lancé à Noël avec Confiture parisienne, NDLR].
Le premier plat dontvous avez été fier ?
À la piscine ! Car mes premiers plats en cuisine étaient une vraie catastrophe…
Où le croiser ?
Arbela 49 rue de l’Échiquier, Paris 10e, bar à vins et tapas
Yaya 33 avenue Secrétan, Paris 19e, restaurant grec contemporain et cocktails
Bazurto 5 rue de l’Ancienne‑Comédie, Paris 6e, inspiration colombienne
Babille 35 boulevard de Bonne Nouvelle, Paris 2e, bistrot festif
Plantxa 58 rue Gallieni, 92100 Boulogne-Billancourt, bistrot gastro
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