Il n’y a pas eu de bruit, pas de fracas. Simplement une lente érosion, un glissement discret vers le vide. 31 mois consécutifs de baisse des naissances : c’est un record depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 2024, la croissance démographique française ne tient plus que par le solde migratoire, soit plus de 150 000 personnes. Le pays vieillit à grande vitesse : d’ici à 2030, le nombre de Français âgés de 75 à 84 ans aura augmenté de 50 %, entraînant un besoin colossal de main-d’œuvre dans les services à la personne. La France entre dans l’hiver démographique.
Il fut un temps où les enfants naissaient dans les fermes, au rythme des moissons. Le travail des champs, rude mais vital, commandait des bras ; la religion imposait la famille nombreuse ; et la société, sans alternative, orientait les femmes vers la maternité. Tout cela a changé. L’exode rural a vidé les campagnes, la mécanisation a réduit les besoins de main-d’œuvre, et les femmes ont conquis, fort justement, leur liberté. Le salariat, les études longues, l’individualisme croissant, l’urbanisation, les idéaux d’émancipation… Tous ces éléments ont bouleversé les structures familiales. Avoir des enfants est devenu un choix – parfois un renoncement – dans une société où l’individu prime sur le lignage.
Un sujet trop longtemps abandonné
À mesure que la modernité avançait, la natalité reculait. Le confort matériel, le poids des responsabilités, les incertitudes économiques, mais aussi le culte de l’épanouissement personnel ont érodé le désir d’enfant. Et pourtant, dans cette France où l’on a tant célébré les droits nouveaux, un silence gêné persistait autour de la démographie. Trop longtemps, le sujet fut abandonné aux marges, rangé du côté d’une idéologie réactionnaire, voire pétainiste. Par confusion ou par paresse, on a laissé à l’extrême droite le monopole du discours nataliste. Grave erreur.
Confort matériel, poids des responsabilités, incertitudes économiques…
Aujourd’hui, le président de la République a rompu avec cette tradition de silence. Emmanuel Macron remet la natalité au cœur du débat politique avec son fameux « réarmement démographique », reconnaissant ce que nul ne peut plus ignorer : un pays qui ne fait plus d’enfants est un pays qui meurt.
Un défi économique et culturel
Deux voies s’offrent désormais à nous. La première, déjà bien empruntée, est celle du remplacement démographique par l’immigration. C’est le scénario privilégié par certaines institutions internationales, FMI en tête. Il consiste à combler le déficit de naissances par l’arrivée de populations venues d’ailleurs. Mais cette voie, si elle peut répondre à des besoins à court terme, heurte profondément la sensibilité des peuples. Elle est porteuse de tensions culturelles, identitaires, politiques, et la majorité des Français la rejette.
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La seconde voie, plus exigeante, plus ambitieuse aussi, est celle du réarmement natal. Elle suppose de restaurer une politique familiale forte, fondée sur deux piliers : l’économie et la culture. Oui, le pouvoir d’achat, le logement, la garde d’enfants, les crèches, les écoles jouent un rôle essentiel. Oui, il faut investir massivement pour faciliter la vie des familles. Mais cela ne suffit pas.
« Il faut investir massivement pour faciliter la vie des familles »
Le véritable défi est culturel. Il s’agit de rendre à la maternité, et à la paternité, leur dignité sociale. Il faut cesser de culpabiliser les femmes qui choisissent d’avoir des enfants. Il faut redire que fonder une famille n’est pas un obstacle à la liberté, mais l’une de ses plus nobles expressions. Il faut réenchanter le récit national, offrir une vision désirable de l’avenir, un horizon de confiance.
Un combat civilisationnel
Car l’autre ennemi, souvent ignoré, s’appelle le désespoir. On fait des enfants quand on croit en demain. Quand on a foi dans son pays, dans son destin, dans sa capacité à offrir un avenir meilleur. Le Japon, vieil empire technologique, s’effondre démographiquement faute d’espérance. Là-bas, le taux de natalité est l’un des plus faibles au monde, et le nombre de décès dépasse désormais largement celui des naissances.
Le pays compte chaque année plusieurs centaines de milliers d’habitants en moins, des villages entiers disparaissent, les écoles ferment, et les maisons vides s’accumulent dans les zones rurales. Malgré son avance technologique et son niveau de vie élevé, le Japon n’a pas su raviver le désir d’enfant. Il a misé sur les robots plus que sur les berceaux, sur l’adaptation au vieillissement plutôt que sur sa prévention.
Cette impasse silencieuse doit nous alerter. Car la France, bien qu’encore jeune comparée à d’autres nations, amorce le même virage. Si nous ne réagissons pas, si nous croyons pouvoir substituer des solutions techniques ou comptables à ce qui relève d’une dynamique vitale et humaine, alors notre pays suivra la même pente. Il ne s’agit pas de nostalgie. Il s’agit de vie. Une nation qui cesse de se reproduire ne décline pas : elle s’efface. Le combat démographique est d’abord un combat civilisationnel. Et il est plus que temps de le livrer.
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