« Le port du voile, ce n’est pas de l’entrisme. » Après son plaidoyer contre l’interdiction du hijab dans les compétitions, le 12 mars au Parlement, Marie Barsacq a déclenché une cacophonie digne d’une tribune d’ultras au sein du gouvernement. Si son point de vue est partagé par la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, ou encore par le patron d’Horizons, Édouard Philippe, la ministre des Sports s’est attiré les foudres du locataire de la place Beauvau, Bruno Retailleau. Mais aussi du garde des Sceaux, Gérald Darmanin, qui n’a pas hésité à mettre sa démission en jeu dans le cas où la loi visant à interdire les signes religieux dans le sport, adoptée au Sénat mi-février, devait finalement ne pas être promulguée.
Conséquence : François Bayrou a été contraint de clarifier la position de l’exécutif, donnant raison à ses ministres de la Justice et de l’Intérieur. Le texte, porté par le sénateur LR Michel Savin, sera ainsi inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée « dans les meilleurs délais ».
Mais derrière les atermoiements de l’exécutif, l’offensive religieuse ne fait pourtant aucun doute. Les conclusions d’une récente mission flash sur « les dérives communautaristes et islamistes dans le sport », menée par les députés Caroline Yadan (Renaissance) et Julien Odoul (Rassemblement national), sont en ce sens éloquentes. Prosélytisme, demande de vestiaires distincts pour les joueurs musulmans, prières dans les vestiaires, parties du corps recouvertes (notamment les genoux) au nom de la « pudeur islamique », refus de serrer la main des femmes… « Les comportements en rupture avec le pacte républicain présentent des formes multiples et sont favorisés par un cadre juridique complexe », pointent les deux parlementaires, qui tirent la sonnette d’alarme face à l’explosion du phénomène.
Des dérives difficiles à quantifier
Dans le monde du ballon rond, les acteurs de terrain sont confrontés à ce type de dérives depuis de longues années. « Il y a deux saisons déjà, j’avais été contraint d’adresser une lettre de rappel aux arbitres de la Fédération française de football quant à l’interdiction des pauses pour la rupture du jeûne du ramadan, rembobine Éric Borghini, président de la Commission fédérale de l’arbitrage (CFA). Cette année encore, ce principe n’a pas été respecté partout. Et cela ne concerne pas que les joueurs. On m’a par exemple fait remonter le cas d’un arbitre qui, dans son vestiaire, s’est livré à une prière musulmane sous les yeux ébahis de ses assistants. »
Le dirigeant, également à la tête de la Ligue Méditerranée, insiste : la loi bientôt débattue à l’Assemblée vise à « défendre les valeurs de la République » et ne concerne « pas seulement l’islam », mais toutes les religions ou revendications politiques. « Même si, on ne va pas se mentir, ce ne sont pas les catholiques, les juifs ou les bouddhistes qui nous posent des problèmes », nous glisse, amer, un autre fin connaisseur du sujet.
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La recherche d’un cadre clair
Le problème est d’ailleurs loin de se limiter aux terrains de football. La prolifération des dérives inquiète « aussi dans les sports de combat et, dans une moindre mesure, dans le monde du basket-ball où, dans certains territoires, la cote d’alerte est dépassée », notent Caroline Yadan et Julien Odoul dans leur rapport. D’après diverses études citées par les deux députés, l’Hexagone compterait entre 25 et 130 associations sportives à visée séparatiste. « Mais ces fourchettes sont en deçà de la réalité, rien qu’en Île-de-France. Car en l’absence de loi, impossible d’avoir des données précises », explique Médéric Chapitaux, sociologue et auteur de Quand l’islamisme pénètre le sport (PUF, 2023).
D’après le spécialiste, le texte défendu par LR permettrait, comme dans le cas des « atteintes à la laïcité à l’école », d’obtenir des chiffres de façon régulière et de mettre fin aux « débats stériles » pour enfin se concentrer sur les réponses (et notamment les sanctions) à apporter. Surtout, argue l’universitaire, ces mesures apporteront un cadre légal clair pour les fédérations qui, aujourd’hui, disposent chacune de leur propre règlement en la matière. Par exemple, si le port du voile est d’ores et déjà proscrit dans le football ou le volley, il est autorisé dans le handball et le judo.
À ce contexte déjà explosif s’ajoute le combat de certains entrepreneurs de cause qui, dans les médias et sur les réseaux sociaux, n’hésitent pas à promouvoir ces revendications religieuses et à fustiger la « laïcité à la française » – en opposition à la tradition sportive des pays anglo-saxons, où les pauses pour le ramadan et autres salles de prière dans les vestiaires sont autorisées. « Des collectifs militants comme les Hijabeuses [qui prônent le droit de porter le foulard islamique sur les terrains, NDLR] sont allés jusqu’au Conseil d’État », observe Médéric Chapitaux.
Bien que présentées comme des « résistantes » dans la presse britannique (en une du magazine de mode Dazed) et soutenues par des marques telles que Nike et Sephora, ces activistes musulmanes ont vu leur recours débouté par la justice. Mais leurs doléances bénéficient également d’un relais politique : les élus de La France insoumise (LFI), à l’image du député Raphaël Arnault, voient eux aussi une politique « islamophobe » dans l’interdiction des signes religieux en compétition. De quoi promettre, une fois n’est pas coutume, de futurs débats houleux dans l’Hémicycle…
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