Les multiples déclarations des derniers jours relancent la polémique autour de l’interdiction du hijab en compétition. La proposition de loi, adoptée par le Sénat, arrive bientôt devant l’Assemblée nationale.
La proposition de loi sur l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives n’en finit plus de faire réagir sportifs et politiques. RMC Sport fait le point sur ce débat enflammé et sur le contenu du texte.
C’est un serpent de mer politique. Même si ce débat revient régulièrement au cœur de l’actualité ces dernières années, c’est une proposition de loi portée par le sénateur Michel Savin (LR) qui a remis ce dossier sous le feu des projecteurs. Il y a quelques semaines, cette proposition a été adoptée par le Sénat par 210 voix contre 81. Elle vise à “assurer le respect du principe de laïcité dans le sport”. Elle sera examinée par l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines. Cette proposition de loi du sénateur LR a été soutenue par le Gouvernement.
“La proposition de loi interdit le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse lors des compétitions organisées par les fédérations sportives, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées. Le texte adopté prohibe tout détournement de l’usage d’un équipement sportif mis à disposition par une collectivité territoriale en vue de la pratique sportive. Enfin, il impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines”, explique le site du Sénat. Les compétitions concernées sont donc au niveau départemental, régional et national.
Après plusieurs jours de tensions entre plusieurs ministres, la ligne officielle du gouvernement de François Bayrou est celle de la proposition de loi déposée par le sénateur Savin. La semaine dernière, juste avant de se faire remonter les bretelles à Matignon, la ministre des Sports Marie Barsacq avait mis en garde contre les “confusions” et les “amalgames” autour de cette proposition de loi. Ses déclarations ont fait bondir deux poids lourds du gouvernement: Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.
Depuis la Grèce, présente pour le congrès du CIO, la ministre des Sports a donc été obligée de clarifier la situation. Lors d’un point presse, elle a même plus ou moins rétropédalé: “On est tous d’accord sur cette proposition de loi, maintenant elle va suivre son chemin, c’était important de tous le dire et de s’en parler ouvertement car on n’avait jamais eu l’occasion d’en parler tous autour de la table”. Marie Barsacq expliquera ensuite qu’en “compétition officielle” un sportif ou une sportive ne portent “qu’une seule tenue et c’est la tenue de son club”.
Jusqu’à présent, ce sont les fédérations sportives qui décident de leur règlement pour les différentes compétitions qu’elles organisent. Il n’y a aucune ligne directrice entre toutes les fédérations sportives en France, et c’est souvent une source de discussion entre les dirigeants. Le football interdit par exemple le port du voile en compétition alors que le handball ou l’athlétisme autorise le port du voile en France.
En revanche, de nombreuses fédérations internationales, comme la Fifa, autorisent le port du voile. Cette règle est applicable pour les compétitions internationales. Au fil des années, le ministère des Sports a poussé les fédérations nationales à modifier les règles. Mais toutes les “fédés” n’ont pas adopté ce mouvement.
Avec sa proposition de loi, le sénateur Michel Savin répond à une demande de plusieurs fédérations sportives. Ces dernières ont laissé entendre à plusieurs reprises qu’il n’y avait aucune uniformisation entre toutes les disciplines. Si cette loi est adoptée dans les prochains mois, ça sera la même règle pour tous.
Il y a une vraie question de mélange des informations sur ce sujet. Les politiques semblent confondre plusieurs détails entre “les compétitions officielles”, les “maillots officiels” ou encore entre une rencontre officielle et les entraînements. Le texte interdit “lors des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives délégataires, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées, le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdite aux acteurs de ces compétitions”.
Invité de Bartoli Time ce dimanche, Teddy Riner s’est exprimé sur le débat qui agite le pays autour du port du voile dans le milieu du sport. Pour le judoka, le combat doit être mené ailleurs. “Je crois qu’en France, on perd notre temps sur des choses et surtout on se sert de certaines choses pour mettre la lumière là où il ne faut pas. Pensons plus à l’égalité que s’acharner sur une seule et même religion”, explique le judoka français.
Mais il n’y a pas qu’au gouvernement que la proposition de loi divise. L’ancien champion du monde de boxe (super-coqs WBA) Mahyar Monshipour a répondu à Teddy Riner juste après sa sortie sur RMC. “Vous le savez, je suis l’un des plus français parmi les non natifs de ce pays. Je suis né en Iran, dans un pays qui a goûté à l’islam politique. Aujourd’hui, je dis à ceux qui ne connaissent pas de la fermer, c’est très clair. Teddy, je pourrais lui dire en face avec ses 140kg. Teddy, tu ne connais pas le sujet, ne t’en mêle pas. Si demain on me demande mon avis sur le nucléaire que je ne maîtrise pas, je répondrai que je ne connais pas. Teddy, s’il te plaît, si tu ne veux pas que ta fille, ta cousine, ou ta sœur se fasse insulter parce qu’elle va à la piscine ou à la plage en maillot, qu’elle se fasse insulter quand elle sort le soir, qu’elle se fasse traiter de fille de petite vertu, ferme-la, et parle de choses que tu connais”, explique le boxeur.
Et d’ajouter: “Le voile est un linceul qu’une idéologie religieuse veut mettre sur les femmes. Le voile est imposé à toutes les filles au moment de l’apparition de leurs menstruations parce que dans cette idéologie religieuse, cela signifie qu’elle est mariable. Permettre que des jeunes filles soient couvertes parce qu’elles attiseraient la convoitise des hommes, dans ce moment de liberté qu’est le sport, c’est tuer leur liberté”.
Interrogée sur BFMTV et RMC Sport ce lundi soir, la ministre des Sports Marie Barsacq rappelle qu’elle ne veut pas “politiser ce sujet”. “Je crois que c’est un sujet de société et c’est normal que Teddy Riner s’exprime sur ce sujet. Je laisse Teddy s’exprimer. Je salue l’expression de Teddy mais je ne souhaite pas en faire de commentaire en particulier. Ma position est claire, c’est celle qui est portée par le gouvernement”.
Pour le moment, les sportifs sont très rares à s’exprimer sur ce dossier très sensible et très politique. Dans les prochaines semaines, la proposition de loi va arriver devant l’Assemblée nationale, le gouvernement a promis une inscription rapide, et le débat va donc revenir à la une de l’actualité.
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