Pour que le droit n’oublie personne. « Et surtout pas les étrangers », pourrait-on ajouter à la devise du Défenseur des droits (DDD), qui est avant tout sollicité pour des questions les concernant. Le droit des étrangers est le premier motif de saisine de l’institution pour la troisième année consécutive. En 2024, 37 % des 103 433 réclamations reçues, soit environ 1 sur 3, portaient sur le droit des étrangers, indique le DDD dans son rapport annuel publié ce mardi 25 mars.
La « hausse exponentielle » de ces plaintes est en grande partie liée aux dysfonctionnements de l’Administration numérique des étrangers en France (Anef), accuse l’organisme. Depuis 2020, l’Anef est l’unique canal pour les demandes de certains titres de séjour, qui sont désormais dématérialisées. Résultat : beaucoup d’étrangers ne parviennent plus à accomplir les démarches seuls, malgré les services d’accompagnement mis en place, et le nombre de réclamations reçues par le DDD a crû de… 400 %.
De quoi occuper les quelque 260 employés travaillant à Paris et les 620 délégués bénévoles répartis sur le territoire. Parmi ces requêtes, 76 % ont trait aux titres de séjour, 4 % au regroupement familial, suivi de l’état civil des étrangers (3 %), de la naturalisation (3 %), des visas (1 %) et des autorisations de travail (1 %). Des chiffres éloquents que se gardent bien de mentionner les rédacteurs du site « Vie publique », tenu par la Direction de l’information légale et administrative, dans son résumé du rapport.
À la rescousse des migrants sous OQTF
Aucune mention non plus des faits d’armes du DDD en la matière. L’organisme, qui n’a pas vraiment de pouvoir contraignant mais dont l’avis pèse sur notre vie juridique, se félicite dans son bilan annuel d’avoir mis fin à une pratique discriminatoire dans une affaire de Pacs. Une mairie, qui demandait une condition de régularité de séjour, s’est vue rappelée à l’ordre. Cette exigence était « dépourvue de fondement juridique » et « susceptible de porter atteinte au principe d’égalité », précise l’institution.
Alors que Mayotte croule sous la pression migratoire, l’autorité administrative veille au grain. Pas question que des ressortissants étrangers sous OQTF se voient éloignés de l’île s’ils ont engagé des recours suspensifs. À cette fin, « le Défenseur des droits peut être amené à intervenir auprès de la préfecture pour signaler en amont un risque d’éloignement illégal », apprend-on. Comme au début de l’année 2024 par exemple, où le DDD s’est rapproché de l’administration locale « pour signaler le cas d’une personne qui venait d’être escortée jusqu’à l’aéroport en vue de son éloignement imminent, alors que la Cour européenne des droits de l’Homme en avait ordonné la suspension ». À la suite de cette intervention, la personne a été reconduite au centre de rétention, peut-on lire dans le rapport d’activité.
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31 millions d’euros en 2025
Créée en 2011, l’autorité administrative indépendante est chargée de veiller au respect des droits et libertés des citoyens. Toute personne peut directement et gratuitement la saisir. Afin d’accomplir sa mission, elle a été dotée de 31 millions d’euros pour 2025. Un coût dont voudrait bien se passer Marie-France Lorho. En 2021, la députée du Rassemblement national, qui siégeait alors sous la bannière des non-inscrits, a proposé sa suppression. « La Défenseure des droits ne fait que répéter des faits déjà établis », maintient l’élue du Vaucluse auprès du JDD.
La commission des finances a épinglé la DDD dans un rapport fin 2024 sur l’envolée de son budget : +4,5 % par rapport à 2024, +35 % entre 2019 et 2024, tandis que ses effectifs ont crû de 16 % pour atteindre 256 emplois. « Une croissance sans fin » qu’il faut stopper en fixant un plafond, recommandent les parlementaires. L’autorité administrative en a vu d’autres. En février 2021, c’est le président de la République en personne qui a interrogé sa compétence en des termes peu élogieux selon Le Canard enchaîné. « La Défenseure des droits a franchi les limites de l’imbécillité en suggérant de suspendre les contrôles d’identité dans certains quartiers », se serait emporté Emmanuel Macron après que Claire Hédon a évoqué cette expérimentation. Face à la polémique, l’ancienne journaliste, nommée Défenseure des droits par le chef de l’État en 2020, avait rapidement rétropédalé, assurant avoir été mal comprise…
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