Le patron du Forum de Davos avait publié, au tout début de la pandémie du Covid : The Great Reset. Il y annonçait la couleur : « La pandémie à venir représente une fenêtre d’opportunité rare pour réinitialiser le monde. » Il espérait que le virus fût l’occasion de changer la société afin d’imposer ce que le capitalisme global appelle le « bien total ». Cinq ans après, la prophétie s’est réalisée.
Le Covid aura provoqué trois mutations fondamentales. D’abord, en nous faisant entrer dans un nouveau pays, le Webistan. Un village global où la postsociété sans contact intronise le « citoyen numérique » et change ses bornages : nous passons du voisin géographique au voisin digital, du voisin réel au voisin virtuel. Du prochain au lointain. Mon prochain est devenu le lointain. Le lointain est devenu mon prochain. Dans le Webistan, le ministre de la Vérité – orwellien par destination –, l’inénarrable docteur Véran, appelait à renverser toute démonstration d’affection : « Si vous voulez montrer à vos proches que vous les aimez de tendresse, alors tenez-vous à distance. Ne les embrassez jamais. »
Ce fut le plus bel oxymore de l’histoire des charités élémentaires. Plus grave encore, le Covid aura installé la société du contrôle mutuel. On ne serre plus la main de son voisin mais on le guette, on le dénonce : « Il est sorti sans son Ausweis. » Le Virus aura initié chaque palier à une nouvelle forme d’oblation, le civisme délateur.
La deuxième mutation touche au pouvoir qui s’est mué en biopouvoir. La politique à l’ancienne contrôlait les territoires. La biopolitique contrôle les corps et les esprits, au nom de ce qu’on appelle désormais l’hygiénisme d’État. Voici venir la société des sentinelles intimes, grâce à la fusion – annoncée par Klaus Schwab – de nos trois identités – physique, numérique, biologique. La voici la fameuse « servitude volontaire », par l’infantilisation d’un peuple de consommateurs qui, non content d’accepter l’assignation à résidence, revendiqua l’enfermisme et salua, chaque soir, nos geôliers et matons.
Avec le Covid, on a rendu les adieux impossibles pour ses propres morts
Tout naturellement, la puissance publique nous propose aujourd’hui un « kit de survie » : on nous dit ce qu’il faut prévoir de pansements et de cachets en cas « d’urgence ». C’est l’avènement du citoyen pensionné. Le biopouvoir porte l’idée d’une administration et d’un trafic des corps ainsi que d’une hiérarchie des normes morales : à partir du moment où on s’en remet à l’État de tout ce qui touche à l’intime, l’État définit la manière de vivre et de mourir. La Haute Autorité de santé, traitant les enfants comme des cochons d’Inde, a recommandé que la transition de genre soit prise en charge dès l’âge de 16 ans par la Sécurité sociale.
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Ainsi avons-nous enchaîné les ruptures anthropologiques : ce fut la fin du serment d’Antigone, qui garantissait le droit d’enterrer son frère. Avec le Covid, qui a rendu les adieux impossibles pour ses propres morts, on a connu l’interdiction des rites funéraires, comme pour les chiens. Le biopouvoir définit qui peut vivre et qui peut mourir. Tout naturellement l’État dispose du droit de tuer. L’avortement constitutionnel qui ne donne plus aucune chance à l’enfant à naître est une régression logique. Le suicide assisté va suivre. Le serment d’Hippocrate aura duré cinq siècles.
Enfin, la troisième mutation, c’est le nouvel ordre du sanatorium écolo des Khmers verts. Emmanuel Macron, le 13 décembre 2020, nous a prévenus : « La crise que nous vivons constitue une opportunité pour réorienter en profondeur nos modèles économiques et les rendre plus verts. » Le confinement sanitaire a préparé le confinement écologique. Le nouveau virus, c’est le CO2. Les fameuses « zones à faible émission » étaient en gestation dans ce nouvel ordre. Ainsi que le Green Deal. Le dérèglement climatique est désormais présenté comme un risque systémique similaire à la pandémie de Covid-19. Nous sommes devenus les cobayes de la Babel sanitaire, verte et numérique.
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