L’essentiel
- La garde à vue des grands-parents, oncle et tante d’Emile a été prolongée ce mercredi matin. Ils sont actuellement entendus pour « homicide volontaire » et « recel de cadavre ».
- Depuis la disparition du garçonnet en juillet 2023, cette famille traditionaliste et au fonctionnement très secret a nourri les rumeurs.
- Le grand-père d’Emile a été placé en 2018 sous le statut de témoin assisté dans une enquête sur des violences dans un établissement du nord de la France.
«Le temps du silence doit laisser place à celui de la vérité. Nous ne pouvons plus vivre sans réponse. Les moyens de justice ont été déployés, les expertises menées et pourtant, nous ignorons toujours ce qui est arrivé à Emile. » Le 8 février dernier, alors que viennent de se tenir les obsèques du garçonnet, ses grands-parents sortent brièvement de leur réserve pour adresser quelques mots à la presse. Philippe et Anne Vedovini disent leur détermination à « chercher des réponses » et comprendre ce qui a pu arriver à leur petit-fils. Des mots qui résonnent étrangement ce mercredi alors que leur garde à vue – et celle de deux de leurs enfants – pour « homicide volontaire » et « recel de cadavre » a été prolongée.
Très tôt, les grands-parents étaient apparus comme des personnages centraux de la procédure. Ce sont eux qui avaient la garde de l’enfant, le 8 juillet 2023. Eux qui ont donné l’alerte vers 18 heures alors qu’il était introuvable. Selon leur récit, Emile a échappé à leur surveillance vers 17h30. Son grand-père précise qu’à ce moment-là, il était en train de décharger du matériel de sa voiture pour construire une clôture.
Comme il est d’usage dans ce type de disparition inquiétante, les gendarmes ont soigneusement consigné leurs emplois du temps et versions de faits, ont perquisitionné leur maison de vacances du Haut-Vernet. Mais aucune garde à vue n’avait eu lieu. Jusqu’à ce mardi donc. Ils ont été interpellés chez eux, à la Bouilladisse, dans l’arrière-pays marseillais, avec pour objectif de confronter des « éléments et informations recueillis lors des investigations réalisées ces derniers mois », précise le procureur.
« Les deux affaires n’ont strictement rien à voir »
Depuis près de vingt-un mois, la famille n’a eu de cesse d’être au cœur de multiples rumeurs. Ses liens avec les milieux catholiques traditionalistes, son fonctionnement très clanique, voire autarcique, intriguent et nourrissent tous les fantasmes. Rapidement, la figure du patriarche, Philippe Vedovini, 59 ans, se détache. Son passé ressurgi. Dès les premières heures de l’enquête, les gendarmes ont appris que son nom était cité dans une autre affaire à l’autre bout de la France : des violences physiques et sexuelles dans une école catholique intégriste à Riaumont, dans le Pas-de-Calais, dans les années 1990.
Philippe Vedovini, qui se destinait alors à la prêtrise – il y a finalement renoncé après avoir rencontré celle qui est devenue sa femme – y a été surveillant entre 1991 et 1994. Dans ce dossier tentaculaire – quatre informations judiciaires ont été ouvertes, deux sont toujours en cours – il a été placé sous le statut de « témoin assisté » en 2018. « Le juge d’instruction a estimé qu’il n’y avait pas d’indices graves ou concordants pour une mise en examen », insiste auprès de 20 Minutes le parquet de Béthune.
Des témoignages d’anciens pensionnaires font toutefois état de coups répétés sur des écoliers parfois âgés de moins de 10 ans. Lui-même a d’ailleurs reconnu lors de sa garde à vue, en avril 2018, des claques, coups de pied aux fesses et même des coups de poing à l’épaule. Il a, en revanche, nié fermement toute violence sexuelle. Si les deux affaires ne sont pas liées, les gendarmes de la SR de Marseille, en charge de l’enquête sur la mort d’Emile, ont investigué la piste d’une correction qui aurait mal tourné. « C’est une des hypothèses de travail, évidemment, mais les deux affaires n’ont strictement rien à voir », assure une source proche de l’enquête, insistant sur la nécessité de ne pas tisser de liens « hâtifs ».
« Tout cela est faux mais je m’en moque »
« Forcément, je passe pour un dominateur qui terrorise tout le monde. Tout cela est faux mais je m’en moque. La presse nous fait du mal mais les gens autour de nous sont vraiment extraordinaires ! La preuve que Dieu existe, c’est la bonté qui nous est témoignée chaque jour », confiait Philippe Vedovini dans une interview à Famille Chrétienne en septembre 2023. A la Bouilladisse, tout le monde connaît effectivement les Vedovini, qui résident sur les hauteurs de ce village des Bouches-du-Rhône. Mais rares sont ceux à les côtoyer réellement.
Les habitants rencontrés sur place décrivent un clan soudé mais particulièrement discret, effacé presque. Si le patriarche est une figure bien identifiée – il a notamment son cabinet d’ostéopathe dans la ville et est investi dans le scoutisme –, les liens avec les autres membres de cette famille nombreuses sont décrits comme sporadiques.
Le couple a eu dix enfants dont Marie, la mère du petit Emile, était l’aînée. Les plus jeunes sont aujourd’hui encore adolescents et résident toujours chez leurs parents. Mais les enfants n’étaient pas scolarisés dans la commune : leur mère, Anne, leur faisait l’école à domicile jusqu’en 6e, puis ils étaient scolarisés dans des établissements privés de la région, assurent des voisins. La famille est toutefois investie dans la vie associative, notamment le club de judo, fermé depuis, mais fréquenté par plusieurs de leurs enfants.
Interceptions téléphoniques
Tout au long de l’enquête, la famille n’a eu de cesse d’afficher une indéfectible unité. « Certains témoignages malveillants dans la presse font preuve d’une ignorance crasse, à notre sujet et aussi sur mes parents, en première ligne dans cette histoire. Mon père en particulier », déplorait la mère d’Emile, toujours dans le magazine Famille Chrétienne, à l’été 2023. Les interceptions téléphoniques ont toutefois permis de mettre en lumière des tensions au sein de la famille. Des éléments sur lesquels sont interrogés les quatre gardés à vue. Elles peuvent durer jusqu’à jeudi en tout début de matinée.