De 2020 à 2024, la France a livré des armes à 65 États et a dépassé la Russie au classement des puissances exportatrices dans ce secteur, dévoile le dernier rapport du Sipri. Sur cette période, le client principal de Paris est l’Inde, qui a reçu de loin la plus grande part des exportations françaises d’armement (28 %), soit près du double de la part qui est allée à tous les destinataires européens réunis (15 %). Le deuxième plus grand destinataire d’armes majeures de la France est le Qatar (9,7 % des exportations françaises d’armement).
De plus, les exportations françaises d’armes majeures vers d’autres États européens ont presque triplé entre 2015-19 et 2020-24 (+187 %). Cela s’explique principalement par les livraisons d’avions de combat à la Grèce et à la Croatie, ainsi que par les livraisons d’armes à l’Ukraine. Mais alors, qui se cache derrière ces données ? Qui sont les acteurs majeurs français de ces exportations ? Le Journal du dimanche vous les présente selon les chiffres d’affaires de l’année 2024.
7. KNDS, l’empereur du canon
Encore connue sous le nom de Nexter il y a quelques années, l’entreprise franco-allemande connaît une croissance importante depuis le début de la guerre en Ukraine. Alors que son chiffre d’affaires s’élevait à 2,7 milliards d’euros en 2021, il affiche en 2024 un montant de 4 milliards. Dans le même temps, ses effectifs ont bondi de 50 % sur la période, atteignant 10 000 salariés.
Pour expliquer ces chiffres, il faut regarder ce que propose KNDS sur les étagères de ses usines. Sur ces dernières repose fièrement le canon Caesar, une pièce d’artillerie montée sur camion et capable de tirer des obus jusqu’à 40 km. Rien qu’en Ukraine, près de 90 pièces ont été livrées, pour un taux d’attrition d’environ 10 %, selon nos informations.
Actuellement, plus de 650 unités ont été vendues à travers le monde, avec des clients majeurs comme l’Arabie saoudite (156 unités), la France (186 unités), l’Indonésie (55 unités) et la République tchèque (62 unités). Le coût unitaire moyen du Caesar étant estimé à 3 millions d’euros, les revenus générés par ses ventes atteindraient environ 1,95 milliard d’euros. Mais les usines de Bourges et de La Chapelle-Saint-Ursin ne produisent pas seulement le célèbre canon. La marque KNDS, qui signifie Krauss-Maffei Nexter Defense Systems, fabrique aussi des munitions ainsi que des véhicules blindés.
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Dans les airs, à terre, sur et sous les mers…
6. Naval Group, le chant du loup
Parmi les entreprises françaises les plus stratégiques de la base industrielle et technologique de défense (BITD), le constructeur de navires est probablement l’un des fleurons. Le Charles de Gaulle ? C’est lui. Le porte-avions de nouvelle génération ? C’est lui. Les six sous-marins nucléaires d’attaque et les quatre lanceurs de la bombe atomique ? C’est encore lui. Sur son site Internet, le groupe affiche un chiffre d’affaires de 4,25 milliards d’euros en 2023 et un carnet de commandes de plus de 3,3 milliards sur la même période.
Avec ses 10 sites en France et ses 16 300 collaborateurs, Naval Group ne produit pas seulement pour la Marine nationale, il s’exporte aussi. Après avoir échoué à vendre ses sous-marins lors de l’improbable épisode australien, l’entreprise, détenue à plus de 60 % par l’État, vient de signer un contrat important avec les Pays-Bas pour la construction de quatre sous-marins Barracuda. Le contrat est estimé à 5,6 milliards d’euros. Le constructeur français a également obtenu un contrat avec l’Indonésie pour la livraison d’un Scorpène. L’Inde a aussi passé commande pour ce même modèle de sous-marin à propulsion conventionnelle. D’autres pays, comme la Grèce, ont fait le choix de Naval Group mais pour des bâtiments de surface.
5. MBDA, le leader européen du missile
Après une hausse spectaculaire de son activité, MBDA a frôlé les 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, contre 3,9 milliards d’euros en 2019, représentant une augmentation de 25 % en cinq ans. Et l’essor du missilier n’est sans doute pas terminé. « Je ne pense pas que 5 milliards d’euros soient un maximum. Nous avons connu une très forte croissance, la demande est très élevée, et cela se traduit par une hausse significative du carnet de commandes. Mais les besoins de nos clients sont encore en train d’émerger », assure Éric Béranger, son PDG.
Avec près de 36 milliards d’euros de commandes en cours, le leader européen des fabricants de missiles bénéficie d’un contexte européen marqué par la guerre en Ukraine et les craintes de la menace russe. Dans un document publié fin 2023, le ministère de la Défense estonien estimait que l’Ukraine avait besoin, chaque mois, de 200 000 obus. Tirant les leçons du conflit, la nécessité de renforcer les capacités de défense anti-aérienne a été largement comprise par les pays européens.
À ce jour, le groupe européen, dont les sites de production situés à Bourges et Selles-Saint-Denis (Loir-et-Cher) sont encore en pleine transformation, s’adapte à l’économie de guerre. Ses missiles les plus demandés sont le Mistral (antiaérien léger), l’Akeron (antichar), l’Exocet, le Scalp et notamment l’Aster, un missile de croisière tiré depuis des frégates ou intégré, sur le théâtre ukrainien, dans des batteries anti-aériennes.
4. Dassault, Rafale gagnant
Le succès de l’industrie de défense française repose en grande partie sur la montée en puissance des ventes du Rafale, notamment à la Grèce, à la Croatie, mais aussi à l’Inde. Alors que son chiffre d’affaires en 2024 s’élève à 6,23 milliards d’euros, le 18 mars dernier, Emmanuel Macron a exprimé son souhait de doter la Marine nationale et l’Armée de l’Air et de l’Espace de nouveaux Rafale.
Pour la France, cet aéronef est un élément clé de sa dissuasion nucléaire, puisqu’il est capable d’emporter une charge nucléaire sous ses ailes. Vendu à 500 exemplaires dans le monde depuis sa création, le Rafale est exporté dans une dizaine de pays aux horizons variés : Émirats arabes unis, Égypte, Qatar, Indonésie ou encore, plus récemment, la Serbie.
Mais alors que de nombreux pays européens s’interrogent sur leur souveraineté après les déclarations provocatrices de Donald Trump sur le Groenland, le PDG du groupe, Éric Trappier, explique dans nos colonnes : « Si un pays ayant opté pour le F-35 remet en question son choix, nous sommes tout à fait prêts à fournir nos services. » Dans cette optique, Dassault Aviation étudie la possibilité d’augmenter sa cadence de production à cinq Rafale par mois. En 2024, le carnet de commandes du constructeur aéronautique français s’élevait à plus de 40 milliards d’euros.
3. Thales, la défense est dans le radar
Dans l’Essonne, le groupe Thales, dont l’État français détient 26 % des actions, fabrique ses radars militaires, un secteur dans lequel il est l’un des leaders mondiaux. Dans son catalogue : le Ground Master 400, un radar de surveillance aérienne capable de détecter tous les objets en vol (avions, missiles, drones) dans un rayon de 500 km. Ou encore le Ground Fire, un radar de défense aérienne associé aux systèmes d’armes utilisant des missiles Aster pour former le SAMP/T.
L’espace : un secteur clé
Au total, la société emploie 83 000 personnes dans 68 pays et figure parmi les 20 plus grands fabricants d’armes au monde. Le chiffre d’affaires du secteur Défense atteint 10,969 milliards d’euros, en hausse de 13,9 % par rapport à 2023. Cette croissance est notamment portée par les systèmes terrestres et aériens, à l’image des véhicules et systèmes tactiques ou des radars de surface, explique le groupe.
En 2025, Thales multiplie les commandes pour des versions militaires de ses drones, capables de déjouer le brouillage électronique et d’emporter des charges explosives. En mars 2024, la Direction générale de l’armement (DGA) lui a commandé plusieurs centaines de drones kamikazes, après une première commande en 2023.
2. Airbus Defence and Space, vers l’infini et au-delà
Le groupe Airbus rassemble un consortium d’entreprises européennes actives dans l’industrie et le secteur aéronautique et spatial, tant civil que militaire. Officiellement basé aux Pays-Bas, il regroupe de nombreuses entreprises internationales, avec des sites de production principalement situés en Allemagne, en Espagne, en France et au Royaume-Uni.
Ses filiales les plus notoires sont Airbus Commercial Aircraft, Airbus Helicopters et Airbus Defence and Space. Cette dernière est domiciliée à Toulouse et est spécialisée dans les avions de transport militaires tels que l’A400M, le C295, et l’A330 (MRTT) de nouvelle génération. L’entreprise internationale produit également des drones, des missiles, des lanceurs spatiaux et des satellites artificiels, ce qui lui permet d’afficher un chiffre d’affaires de 12,1 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’année précédente.
L’avionneur a par ailleurs annoncé en cours d’année dernière une restructuration de sa branche défense et espace, qui devrait se traduire par d’importantes réductions d’effectifs. 2 500 postes pourraient être supprimés (sur un total de 35 000) en raison de moindres performances de l’activité satellites de télécommunications. Afin de concurrencer Starlink d’Elon Musk et pallier les difficultés du secteur spatial européen, Airbus, Thales et Leonardo envisagent la création d’une entreprise spatiale commune. Le projet vise à fonder un géant européen et souverain dans le domaine des satellites.
1. Safran, l’épice rare de l’aéronautique, de l’espace et de la défense
Avec plus de 14 000 collaborateurs, l’entreprise développe des produits et services destinés à aider les acteurs civils et militaires à observer, décider et guider sur terre, en mer, dans les airs et dans l’espace. Les domaines d’expertise de Safran Electronics & Defense incluent l’optronique, l’avionique, la navigation inertielle, l’électronique et les logiciels critiques. Parmi ses matériels les plus connus, il convient de noter l’armement air-sol modulaire (AASM) mis en œuvre à partir du Rafale Air et Marine. L’AASM est l’une des rares munitions à être propulsée. « Le kit d’augmentation de portée permet le tir à distance de sécurité (en haute comme en très basse altitude) de bombes de 250 kg, dans toutes les conditions météorologiques, avec une précision d’impact décamétrique ou métrique », explique le ministère des Armées.
Le chiffre d’affaires 2024 ressort à 27,317 milliards d’euros, en hausse de 17,8 % par rapport à 2023. Mais Safran est aussi un motoriste. C’est cette entreprise qui fournit à Dassault les moteurs des avions Rafale. L’entreprise a dévoilé en octobre dernier un plan d’investissements d’un milliard d’euros et de recrutement de 4 000 personnes à travers le monde pour étendre son réseau de maintenance à l’international. En France, elle prévoit l’extension des sites de maintenance de Villaroche et de Saint-Quentin-en-Yvelines, près de Paris, respectivement en 2025 et 2026. Pour 2025, Safran prévoit une croissance de son chiffre d’affaires d’environ 10 %.
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