La décision finale de dissoudre ces groupes ne devrait être rendue publique que début avril, mais elle secoue depuis des semaines les tribunes des supporters « ultras » partout en France, dont 129 associations qui ont dénoncé dans un communiqué une menace sur « l’essence même du supportérisme en France » ainsi que « l’absence de communication et de concertation » du ministère de l’Intérieur. Celui-ci a manifestement décidé de siffler la fin de l’indulgence et des sursis de bonne volonté, lassé des incidents et violences à répétition depuis des années, avant, pendant et après les matchs de football professionnel dans l’Hexagone qui mobilisent chaque week-end des milliers de forces de l’ordre dans un contexte social tendu.
Le JDD s’est procuré une copie des courriers envoyés le 10 mars par le ministère de l’Intérieur aux deux associations de supporters de l’AS Saint-Étienne directement visées, les Magic Fans et les Green Angels. Ses motivations sont accablantes. « Le Gouvernement considère […] que l’objet déclaré de votre association visant à “supporter l’équipe de l’Association sportive de Saint-Étienne (ASSE)” ne constitue plus qu’un prétexte à une recherche constante de confrontations physiques par vos membres au profil violent, à l’encontre des supporters adverses lors des rencontres sportives ou en marge de celles-ci », lit-on en préambule.
Il est reproché aux Magic Fans d’être « régulièrement impliqués dans des violences, rixes ou dans des dégradations commises contre des personnes ou des biens, dans des enceintes sportives ou leurs abords, à l’occasion de rencontres sportives. […] Plusieurs des membres des Magic Fans ont fait l’objet d’interdictions administratives de stade ainsi que d’interdictions judiciaires de stade. »

Suit une liste circonstanciée de treize événements s’étalant de 2020 à 2024, dont le plus grave s’est déroulé en mai 2022, lors du barrage retour d’accession à la Ligue 1 entre l’ASSE et Auxerre, ayant abouti à la victoire des Bourguignons aux tirs au but, acte qualifié « d’une particulière gravité constitutif de dégradations de biens, de violence sur des personnes » : tirs de mortier, de fumigènes ayant fait 17 blessés dont deux joueurs auxerrois dans le stade à l’issue de la partie, puis attaque des forces de l’ordre à la sortie de l’enceinte avec usage « d’engins pyrotechniques, de pierres, de barres de fer et autres éléments de mobilier urbain durant près de deux heures ». Bilan : 18 policiers et deux gendarmes blessés, et des centaines de milliers d’euros de dégâts pour la collectivité. Parmi les interpellés, des dirigeants de l’association dont certains étaient interdits de stade (IDS).
Même réquisitoire et types d’incidents pour les « Green Angels », groupe fondé en 1992, autodissous en 2013 mais qui a poursuivi ses activités. Le « groupement de fait » tel que décrit par le ministère regroupe aujourd’hui environ 900 membres et serait responsable d’une dizaine d’incidents majeurs entre 2021 et 2024, dont ceux ayant également impliqué les Magic Fans en mai 2022.
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« Nous sommes des ultras, pas des hooligans », ont écrit les Magic Fans au ministère. Soutenus par la direction de l’ASSE, les supporters ont également la voix de Gil Avérous, éphémère ministre des Sports en 2024 et maire de Châteauroux, qui a estimé sur Ici Loire : « Il faut qu’on repère, qu’on identifie, qu’on interpelle et qu’on condamne celui qui est à l’origine du fait de la violence verbale ou physique. Mais, en aucun cas, il ne faut prendre des mesures collectives parce que c’est injuste, que ça va nous amener à perdre nos interlocuteurs dans les stades et ce n’est vraiment pas la bonne solution ».
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