
Je vais régulièrement en vacances aux Antilles depuis que j’ai découvert la destination en 1995 grâce à Michel Denisot, alors président du PSG, et Joël Bats, l’ancien gardien international. Ils m’avaient offert pour Noël cinq jours en Martinique, une façon de me remercier d’avoir quitté un soir la Fédération française de tennis – avec laquelle j’avais participé à la victoire en Coupe Davis en 1991 – et pris dès le lendemain la préparation physique de l’équipe parisienne.
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De ces îles, où le vacancier ressent une béatitude du corps et de l’esprit, je retiens surtout qu’elles ont vu l’éclosion d’immenses champions. Dès 1936 à Berlin, sur 100 mètres, Maurice Carlton devient le premier Guadeloupéen à se qualifier pour les Jeux olympiques avant d’être éliminé en quart de finale, déjà une belle histoire. Depuis, la légende s’est écrite. Sans même parler de la Martinique, citons pour la Guadeloupe : Roger Bambuck, Marius Trésor, Laura Flessel, Teddy Riner et tant d’autres merveilleux athlètes des sports collectifs comme le hand et le basket.
« Pour moi, la légende, c’est Marie-Josée Pérec »
Pour moi, la légende, c’est Marie-Josée Pérec. Détectée par son professeur de sport qui l’encourage à essayer l’athlétisme, elle éblouira le monde par ses victoires olympiques, la qualité de sa foulée et sa force mentale. Je me souviens d’une anecdote lors d’une compétition, un an avant les Jeux de Barcelone de 1992. Sous une pluie battante, Marie-Jo semblait avoir course gagnée quand un juge lui a dit : « Vous avez empiété sur le couloir voisin, ça va être la disqualification ». Elle a éclaté de rire en me disant : « Ne vous inquiétez pas, coach, je les battrai toutes ». Elle a tenu parole en remportant le 200 m à Barcelone puis en réussissant en 1996 un doublé historique, et extraordinairement difficile, à Atlanta : 400 m-200 m. Elle était plus qu’une star, ce qui est déjà immense, elle était une diva.
Mais qu’est-ce qui explique qu’un si petit territoire avec des infrastructures sportives très moyennes et limitées, de l’avis même des acteurs locaux, arrive à sortir autant de sportifs exceptionnels ? La météo favorable est un atout considérable pour la pratique d’activités physiques toute l’année. Il y également une culture sportive importante de la part de la population. Certains mettront en avant l’aspect génétique. Moi, je vois surtout le facteur politique.
C’est-à-dire que pour l’individu, le sport est un élément de progrès social. Je crois beaucoup à cette thèse défendue par Roger Bambuck avec qui je me suis entretenu pour préparer cette chronique. Roger, qui fut l’un des plus grands sprinteurs français (corecordman du monde du 100 m en 1968, tout de même !), vit aujourd’hui en Dordogne avec son épouse, Ghislaine. Née en Martinique, elle fut elle aussi une athlète de haut niveau. Et je repense à cette image récente : lorsque Pérec et Riner, ensemble, ont allumé la flamme olympique l’été dernier donnant à la France une lumière éternelle. Venue des Antilles !
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