Si la défaite de la liste de Louis Boyard « Dignité, fierté et solidarité » à l’élection municipale de Villeneuve-Saint-Georges avait déjà affaibli l’enfant prodige de La France insoumise, sa mise à l’écart par ses propres colistiers a parachevé son échec. Alors que le parti avait misé très gros sur cette élection locale partielle, le laboratoire de Villeneuve-Saint-Georges a tourné au fiasco. Ce lundi 17 mars, cinq des colistiers de Louis Boyard, emmenés par le militant associatif et sympathisant insoumis Mamadou Traoré, ont pris la décision de constituer un groupe d’opposition. Baptisé « Dignité et Solidarité », le groupe a donc évincé la « fierté » insoumise Louis Boyard, mais a pris le soin d’embarquer Mohammed Ben Yakhlef, militant pro-Hamas dont le nom sur la liste avait conduit le reste de la gauche à refuser toute alliance en vue du second tour.
Ce dernier avait répondu à Emmanuel Macron le jour de l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 : « Honte à la France qui a osé qualifier la résistance palestinienne de “terroriste”. La résistance répond au terrorisme d’État de l’État sioniste. » Le député du Val-de-Marne se retrouve donc isolé, aux côtés de sa première colistière Fadwa Sadak. La peine est même double : selon le règlement du conseil municipal, il faut au minimum trois élus pour constituer un groupe. Quand un être vous manque… La décision de Mamadou Traoré peut s’expliquer de plusieurs façons.
La présence d’un militant pro-Hamas avait conduit le reste de la gauche à refuser toute alliance
La première, évidente, réside dans la cinglante défaite contre Kristell Niasme, qui a amené Mamadou Traoré à déclarer : « On a vu les forces et la limite de chacun. » La deuxième peut résider dans l’incapacité de Louis Boyard à s’allier avec le reste de la gauche. La troisième peut relever d’un sentiment moins noble : avant de propulser le parlementaire sur le devant de la scène, celui qui devait conduire la liste insoumise dans la commune n’était autre que… Mamadou Traoré. Mais à LFI, l’échelle locale n’a pas le monopole des divisions et déconvenues.
Une « maladresse »
Au niveau national, le service de communication du parti s’est illustré en publiant un visuel qualifié par certains d’antisémite appelant à se rendre à une manifestation « contre l’extrême droite, ses idées… et ses relais ». Retiré des réseaux sociaux moins de vingt-quatre heures après sa publication, le visuel représentait l’animateur Cyril Hanouna sous un filtre noir et blanc, le regard durci, les sourcils froncés et ses traits exagérés jusqu’à la caricature.
D’origine tunisienne et de confession juive, Cyril Hanouna est représenté par le parti insoumis tel le juif honni par la propagande antisémite des années 1930. Le parti insoumis a été condamné à verser 3 500 euros à l’animateur pour atteinte au « droit à l’image ». Quand la grande majorité s’est tue sur l’affaire – précisons que huit parlementaires insoumis ont été contactés et n’ont pas souhaité répondre aux sollicitations du JDD – des voix ont néanmoins émergé pour esquisser le commencement d’un début de mea culpa. Si Éric Coquerel admet une « maladresse », la députée européenne Manon Aubry reconnaît sur RTL que cette « affiche maladroite n’aurait pas dû être là ».
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La dénonciation du visuel antisémite n’a pas fait l’unanimité au sein de LFI
Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise, a fini par concéder sur CNews et Europe 1 que le visuel « n’aurait pas dû être publié ». Deux députés en particulier sont montés au créneau. « Merci de tenir compte du fait que chaque membre du groupe est impacté, une fois de plus, par ces communications catastrophiques, qui se multiplient », s’est indigné le député de Paris Aymeric Caron sur une boucle interne du parti, réclamant l’arrêt des « campagnes visant nommément des personnalités des médias avec lesquelles [ils sont ] en désaccord ». D’après L’Opinion, un second parlementaire s’est désolidarisé de la manœuvre du service de communication. « Je suis affligé, j’ai découvert cette affiche avec effroi. Toute la journée, j’ai eu des retours de militants écœurés qui voulaient croire que c’était un fake, témoigne-t-il auprès de nos confrères. Soit le mec du siège de LFI qui a fait les visuels est un connard inculte, soit c’est une ordure antisémite. »
La dénonciation de ce visuel n’a néanmoins pas fait l’unanimité au sein des cadres et surtout auprès du fondateur de La France insoumise. Ce n’est pas un, mais deux journalistes qui ont fait les frais de la perte de sang froid de Jean-Luc Mélenchon. Le 13 mars, à l’antenne de France Inter, le coprésident de l’Institut La Boétie, tel un professeur des écoles, en est venu à réprimander Léa Salamé qui l’interrogeait sur le sens du visuel. « Nous ne sommes pas antisémites […] Vous relayez la propagande des réseaux d’extrême droite ! » s’exclame-t-il. Le dimanche 16 mars, sur France 3, le chef de file du parti insoumis s’en est pris à Francis Letellier dans « Dimanche en politique ».
« Ça suffit ! »
D’emblée, Mélenchon a cherché à balayer les interrogations à ce sujet : « L’extrême droite accuse, puis cela monte dans la sphère médiatique Bolloré. Puis tous les gentils, comme vous et les autres, disent : “Ah, quand même, il y a un problème !” […] C’est exactement comme ça qu’on fait pour attribuer une étiquette. » Face à l’insistance du journaliste, il s’emporte : « Pourquoi vous me posez cette question ? De quel droit ? Vous m’accusez ? Est-ce que vous m’accusez ? » avant d’intimer à Francis Letellier de se taire après un violent « ça suffit ! ». Quand les souris se divisent, le chat perd ses nerfs.
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