Le français recule dans de nombreux domaines. Tandis que l’État multiplie les incantations, certaines collectivités passent aux actes. À Saint-Raphaël, la municipalité se distingue par le lancement d’un plan d’action ambitieux pour défendre et promouvoir concrètement la langue française, là où elle se vit : sur le terrain. Nous avons rencontré Frédéric Masquelier, maire LR de la commune, à l’origine de cette initiative inédite.
Le JDD. Votre plan d’action pour la défense de la langue française repose sur vingt mesures concrètes. Pouvez-vous nous en présenter les principales et nous expliquer comment elles seront mises en œuvre à Saint-Raphaël ?
Frédéric Masquelier. Nous avons voulu donner une réponse forte à l’érosion progressive du français dans la vie quotidienne. Le lancement officiel du plan se fait avec une conférence de Michel Zink, académicien et grand médiéviste, sur la défense et l’illustration du français. C’est un signal fort. Parmi les mesures, nous lançons une grande dictée ouverte à tous, mettons en place des fresques urbaines intégrant des citations ou des vers, un concours d’éloquence pour les jeunes, une « charte des commerces engagés pour le français », ou encore des ateliers d’écriture. Ce sont des actions concrètes, visibles, qui s’adressent à toutes les générations. L’idée est de faire vivre notre langue au quotidien.
Vous insistez beaucoup sur la jeunesse. Quels outils avez-vous conçus spécifiquement pour la sensibiliser à la richesse du français ?
Nous avons prévu un livret pédagogique distribué aux jeunes avec un mot rare par jour, l’accès gratuit au Projet Voltaire pour perfectionner l’orthographe, des ateliers dans l’espace jeunesse pour apprendre à rédiger un CV ou une lettre, mais aussi des concours de rédaction et d’éloquence. Nos conseils municipaux des jeunes et des enfants sont impliqués, notamment via une action originale : un système de parrainage linguistique intergénérationnel. L’objectif est clair, redonner aux jeunes le goût du mot juste, du beau mot.
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Le rôle d’un maire est d’abord local. Pourquoi avez-vous fait de la langue française un combat politique et culturel à part entière ?
Un maire n’est pas seulement un gestionnaire ou un fournisseur de services. Il incarne aussi une vision, des valeurs. La politique, ce sont des choix – constants, assumés. Et je suis convaincu qu’on peut agir efficacement à l’échelle locale. Le pouvoir ne s’use que si on ne s’en sert pas ! La langue française, c’est notre identité, notre patrimoine commun, un lien social puissant et un vecteur de cohésion sociale. Or, penser que l’éducation ne relève que de l’État, c’est une erreur.
« Moins on a de mots, plus on a du mal à exprimer ses idées »
Nous, maires, sommes au contact de la jeunesse, notamment à travers les temps périscolaires et extrascolaires. Nous avons la responsabilité et les moyens de transmettre. La commune est un échelon décisif. Si chaque élu local s’engage, la dynamique peut devenir nationale. C’est un appel à mes collègues : sur des enjeux fondamentaux comme la langue, nous avons le pouvoir d’agir. Alors, faisons-le.
Quels sont, selon vous, les principaux dangers qui pèsent aujourd’hui sur la langue française ? Et en quoi votre plan peut-il changer les choses ?
Il y a une vraie perte de vocabulaire, une forme de pauvreté linguistique qui s’installe. Or, moins on a de mots, plus on a de mal à exprimer ses idées, ses émotions. Cela alimente les tensions sociales, la violence. Il y a aussi des attaques idéologiques : l’écriture inclusive, les anglicismes à outrance, les discours de déconstruction. Je ne suis pas contre l’évolution de la langue, bien au contraire. Mais je refuse sa fragmentation. Notre plan est une réponse culturelle, apaisée, mais résolue. Il veut redonner du sens, du plaisir, de la beauté à notre langue. C’est une manière de résister, positivement. La langue française est notre héritage commun. À nous de la défendre !
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