
Entre la découverte des premières carcasses et l’interpellation des quatre braconniers à leurs domiciles, l’enquête a duré un an. 200 euros un cerf, 100 euros une biche ou un faon, un euro le kilo de sanglier ou de chevreuil, ils tiraient sur tout ce qui bouge pour revendre la viande de gibier, appelée venaison. « C’est un réseau qui a opéré pendant des mois et qui a prélevé illégalement une centaine d’animaux ! explique Michel Lambrech, directeur adjoint de la police et du permis de chasser de l’Office français de la biodiversité. C’est la qualification pénale la plus grave, passible d’une peine d’emprisonnement de quatre ans et de 150 000 euros d’amende. »
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Accros aux sorties nocturnes et munis de silencieux
Sur les 10 000 contrôles effectués chaque année par l’OFB, on estime qu’il y a environ 10 % d’actes délictueux concernant la chasse. Le braconnage existe partout sur notre territoire. Dans le Cher, six hommes ont été arrêtés en février après deux ans d’enquête pour des faits commis de nuit, dans la forêt solognote. En juin 2024, une perquisition chez un maire des Hautes-Alpes a révélé qu’il braconnait des bouquetins, espèce pourtant protégée. En novembre 2024, un trafic d’oiseaux a été démantelé dans la Sarthe : les braconniers capturaient notamment des chardonnerets élégants, qui peuvent se revendre jusqu’à 250 euros pièce ! Le week-end dernier, les inspecteurs de l’OFB ont également arrêté un homme à Mayotte et saisi 70 kilos de viande de tortue verte, espèce protégée, revendue de 30 à 50 euros le kilo.
Le braconnage s’explique évidemment par l’appât du gain, mais pas seulement. La figure du braconnier hante la culture française. Au pays de Maupassant, qu’on chasse la bécasse ou non, on se plaît à considérer que la braconne est à la chasse ce que l’adultère est au mariage ! Goût de l’interdit et fascination pour la transgression : du prix Goncourt, en 1925, pour Raboliot de Maurice Genevoix, au succès du film L’école buissonnière en 2017, littérature et cinéma y ont longtemps trouvé une inépuisable source d’inspiration. Pourtant, aucun des interpellés ne ressemble à Totoche, sauvage mais sympathique braconnier mis en scène par Nicolas Vanier. Les hommes qui sévissaient dans le Cher appartenaient au monde de la grande vénerie. Quand ils ne chassaient pas à courre, contraints par des règles précises, ils n’hésitaient pas à percuter les animaux aveuglés par les phares de leurs 4X4, en « recherche de sensations fortes », selon le parquet de Châteauroux. Ceux arrêtés dans l’Essonne étaient accros aux sorties nocturnes, munis de silencieux…
Mais c’est aussi l’occasion qui crée le larron : « Nos remontées de terrain indiquent que le braconnage est lié à l’abondance de grand gibier, déduit Michel Lambrech. Dès lors qu’il y a beaucoup d’animaux, il y a du braconnage. » Plus de 50 % des surfaces des forêts domaniales souffrent d’une surpopulation de cerfs, chevreuils, biches, sangliers. Rien que pour ces derniers, le tableau national est passé de 50 000 têtes dans les années 1980 à 800 000 en 2020. Les « prélèvements » sont donc nécessaires, mais doivent répondre à des règles qu’enfreignent ces braconniers. Le travail des 1 700 inspecteurs de l’OFB est loin d’être terminé.
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