Ils l’ont (encore) fait ! Tout le monde rêvait d’un scénario identique à celui de l’Ukraine en 2013, quand la France battue 2-0 à Kiev avait tout renversé au match retour sur cette même pelouse du Stade de France pour aller jouer la Coupe du monde au Brésil. Ce fut encore plus dur hier soir, avec une prolongation et une séance de tirs au but à maîtriser, mais les Bleus, souvent remarquables face à une formidable résistance croate, s’en sont sortis. Ils peuvent remercier Michael Olise, qui à l’instar d’un nouveau Griezmann a fluidifié le jeu et inscrit un magnifique coup franc, et Mike Maignan, comme souvent décisif dans l’exercice du tir à 11 mètres. « On était convaincu qu’on pouvait faire quelque chose de grand, jubilait le capitaine Kylian Mbappé au micro du diffuseur TF1. C’était un objectif, on avait besoin d’un match comme ça pour ramener le public avec nous. C’était une belle soirée, c’était cool ! »
Dans des tribunes déjà pleines de 80 000 spectateurs impatients, l’avant-match avait été marqué par l’émouvant hommage, forcément, à Olivier Giroud, venu tout exprès de Los Angeles avec épouse et enfants pour recevoir l’ovation que le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France méritait tant, lui qui a pris sa retraite internationale l’été dernier après 137 sélections et 57 buts inscrits dont 25 sur cette pelouse dionysienne – personne n’a fait mieux à ce jour. Tout de noir vêtu et avec sa petite dernière dans les bras, l’ancien joueur de Montpellier, d’Arsenal, de Chelsea et de l’AC Milan a vu un immense maillot à son nom rejoindre le « hall of fame » des Bleus : ils ne sont que dix à avoir porté le maillot national à plus de cent reprises. Un majestueux feu d’artifice bleu blanc rouge a ponctué ce moment « qui restera à jamais dans mon cœur », a confié l’actuel avant-centre du Los Angeles FC, très ému.
Son coéquipier en Californie et recordman de sélections (145 capes) Hugo Lloris étant resté « à la maison » pour gérer les affaires courantes en MLS, le championnat états-unien, Giroud a ensuite rejoint en tribune présidentielle un autre membre du Top 3, Lilian Thuram (142), lui qui partage cette troisième place avec le grand absent du soir, Antoine Griezmann, paraît-il retenu pour des négociations contractuelles avec l’Atlético Madrid. On peut retenir comme plus crédible la thèse du malaise persistant entre le génial meneur de jeu et la FFF depuis l’annonce précipitée de sa retraite internationale à l’automne dernier.
Le premier but en Bleu d’un remarquable Olise
C’est dans cette atmosphère fervente et solennelle (superbe Marseillaise a capella) que démarre la soirée de la remontée espérée : deux buts à remonter pour arracher une prolongation, trois à marquer pour un petit exploit. Les Bleus mordent à pleines dents dans la partie, enfin libérés. Le pied à fond sur l’accélérateur. Douze tirs viendront sanctionner cette domination quasi-totale en première période, mais seulement deux seront cadrés, pour une seule véritable occasion, ce duel entre Barcola et Livakovic superbement remporté par le gardien croate (37e).
Et puis, à la 53e minute, la lumière jaillit : faute sur Mbappé, coup franc sur la droite de l’attaque française à l’entrée de la surface de réparation, Michael Olise envoie une merveille de « feuille morte » du pied gauche dans le but d’un Livakovic interdit (1-0). Devant sa télévision, Michel Platini a dû apprécier. Cela faisait sept ans que les Bleus n’avaient pas inscrit de coup franc direct, durant la Coupe du monde 2018, par Paul Pogba. Premier but en sélection à 23 ans pour le très cosmopolite ailier du Bayern de Munich, lui qui possède également les nationalités britannique, nigériane et algérienne mais a toujours rêvé de porter le maillot français – et qui offre une prestation ébouriffante.
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Dembélé encore et toujours, direction la prolongation
Fatalement, le match change d’âme, d’autant que Deschamps fait entrer le nouveau chouchou du Parc des Princes et du PSG, Désiré Doué, chargé de dynamiter un peu plus une défense croate qui plie, prend carton jaune sur carton jaune mais ne s’avoue pas encore totalement vaincue. À un quart d’heure de la fin, on y a cru pourtant très fort : Dembélé déborde encore et toujours sur la droite, Mbappé se démarque, il n’a plus qu’à ouvrir son pied pour remettre les deux équipes à égalité… mais il l’ouvre trop, justement, et son ballon caresse le poteau du mauvais côté (76e). Quatre minutes plus tard, on change les rôles, Mbappé décale Olise, centre en retrait parfait pour Dembélé, qui croise parfaitement à ras de terre pour remettre les compteurs à zéro (2-0, 80e). Le Stade de France exulte et on remet un coup de feu d’artifice au bord de la pelouse. Parfaitement mérité tant les Bleus se sont montrés opiniâtres face à des joueurs dalmates qui n’auront fait que reculer malgré toute leur bonne volonté.
La France va-t-elle faire comme en 2013, quand elle avait renversé l’Ukraine selon le même scénario et dans la liesse générale pour se qualifier pour la Coupe du monde au Brésil ? Alors qu’on est entré dans le temps additionnel et que les Croates tiennent toujours malgré 13 corners subis (cela dit tout de la domination bleue), on regarde tellement sa montre que l’arbitre anglais siffle trois fois, symbole de prolongation. Les enfants vont se coucher encore plus tard avant l’école ce lundi, mais cela en vaut peut-être la peine, avec le meilleur match des hommes de Deschamps puis bien longtemps.
Le gardien croate Livakovic en état de grâce
À gauche, à droite, partout en fait, Désiré Doué provoque, dribble, passe, frappe. Mais il trouve face à lui un gardien en état de grâce, Dominik Livakovic, paraît-il bien moins éclatant avec le Fenerbahçe dans le championnat turc (93e + 94e). Cahin-caha, alors que Luka Modric regarde désormais les siens du banc de touche, fourbu mais une nouvelle fois admirable, la partie devient moins intense, plus hachée. Les défenses prennent le pas sur les attaques. Les Croates s’arc-boutent, gagnent du temps à défaut de remonter le terrain. Encore un quart d’heure avant une éventuelle séance de tirs au but. Dembélé est sorti, Kolo Muani l’a remplacé, Michael Olise sort pour Camavinga et n’ira pas au bout de la nuit mais il aura largement contribué à ce qu’elle s’allonge, et on a déjà hâte de le revoir.
Kylian Mbappé, lui, est toujours sur le terrain. Idéalement mis sur orbite par Camavinga, son coéquipier au Real Madrid, il se présente devant Livakovic, mais pas plus qu’un autre il n’échappera aux parades monumentales d’un portier adverse en état de grâce (107e). On compte de nouveau les minutes comme les corners français (déjà seize à cinq minutes du terme, sans doute un record), il y a même deux ballons sur la pelouse pendant quelques secondes, mais un seul Livakovic, infranchissable malgré la demi-volée à bout portant du capitaine français, de plus en plus frustré (117e). Cinquième arrêt décisif pour ce natif de Zadar qui doit posséder des radars, puis sixième, encore face au même. Improbable mais vrai : la Croatie arrache, c’est le terme, les tirs au but avec un gardien qui a davantage touché le ballon que certains défenseurs français alors que Mike Maignan n’a eu qu’un seul arrêt, au pied, à faire. Mais le Milanais est un spécialiste mondial de l’exercice, il a arrêté trois des six tentatives subies sous le maillot national. Alors ?
« Magic Mike » Maignan offre la qualification aux Bleus
Premier tir, et « Magic Mike » se détend pour sortir le premier tir de Baturina. Mbappé réussit, mais avec beaucoup de réussite : Livakovic avait fait plus que toucher le ballon… Même chose face à Tchouameni, avec le même résultat favorable aux Bleus. La France se détache après l’échec d’Ivanovic, qui force sa frappe et l’envoie largement au-dessus. Koundé glisse, rate et prolonge le suspense. Kolo Muani offre une première balle de match et de finale à quatre à Maignan.
S’il détourne la frappe de Jakic, c’est terminé. Mais le joueur d’Augsbourg ne se rate pas, lui. C’est à Théo Hernandez que revient l’honneur de boucler l’affaire : praline du gauche ? Non, il vise la lucarne, craque et frappe à côté. Caleta-Car assure, lui. Irrespirable… Mais Doué continue d’assurer. Quatre partout ! Stanisic craque lui aussi. Upamecano doit finir le travail et montrer qu’il est désormais un vrai taulier des Bleus. Contre-pied impeccable : à 23h38, l’équipe de France valide son billet pour la finale à quatre de la Ligue des nations, en Allemagne au mois de juin face à l’Espagne pour la revanche de la demi-finale de l’Euro remportée par les Ibères un an plus tôt.
Et la perspective d’une finale face à l’Allemagne ou au Portugal, les autres qualifiés. Ça a quand même plus de gueule qu’un déplacement à Gibraltar, qui aurait été le destin des hommes de Deschamps en cas d’élimination… Les éliminatoires de la Coupe du monde 2026 attendront le mois de septembre, avec un groupe à quatre composé de l’Ukraine, de l’Islande et de l’Azerbaïdjan.
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