C’est peut-être le moment d’acheter une Tesla sur le marché de l’occasion américain. En quelques mois, leur prix a fondu de 15 % en moyenne, jusqu’à 50 % pour un Cybertruck, le pick-up électrique en forme d’enclume et de fer à repasser de la marque. Une décote bien plus forte que pour toute autre voiture fonctionnant sur batterie. Le Kelley Blue Book, équivalent de l’Argus outre-Atlantique, voit rouge. Certes, chez l’Oncle Sam, la désaffection pour l’électrique est générale et le retour d’un Trump partisan des énergies fossiles y est pour quelque chose. Mais la gauche américaine, citadine et écolo s’est trouvé une nouvelle façon de résister au trumpisme. Hier, elle adulait la marque. Aujourd’hui elle la hait, au point de mettre en scène occupations de showrooms chez les concessionnaires et destructions de Tesla.
Aux premières heures du second mandat de Trump, les signes de mécontentement étaient plutôt bon enfant et révélaient surtout le dilemme de cette gauche, aux limites de la schizophrénie, partagée entre son ardeur à défendre la planète – avec une dimension narcissique manifeste – et sa haine du président républicain. Les autocollants « Je l’ai achetée avant qu’Elon devienne fou », à placer sur le pare-chocs, s’arrachaient sur Amazon. On en restait là. Puis l’aversion pour Musk s’est graduellement muée en vandalisme : d’abord des tranches de fromage Kraft pour recouvrir les voitures, puis des coups de clé sur les portières, parfois une croix gammée. Depuis deux semaines, à ce ressentiment plus ou moins créatif de cette upper middle class sonnée par la défaite des démocrates a succédé un mouvement plus brutal, plus dangereux aussi.
Panique chez le concessionnaire
À Charleston, le 7 mars dernier, un homme a ainsi jeté plusieurs cocktails molotov sur une station de charge Tesla. Avant de lui-même s’immoler par le feu, il avait tagué sur le trottoir « longue vie à l’Ukraine » et des propos grossiers à l’encontre de Trump. En tout, ces dernières semaines, plus de vingt showrooms et bornes de recharge ont été le théâtre d’incendies volontaires dans les grandes villes américaines. Le 18 mars, à Las Vegas, le centre de réparation de carrosserie Tesla a été la cible de plusieurs objets incendiaires : cinq véhicules, dont trois qui ont été atteints par des balles, ont pris feu. Sur la porte de l’établissement, peint à la bombe, le mot « résistance ». Dans la même soirée, à Kansas City, dans le Missouri, deux Cybertruck ont également pris feu chez un concessionnaire.
« Je ne veux pas conduire une voiture construite par un connard »
Au plus haut sommet de l’État, cette série commence à inquiéter. Cette fois-ci, Pam Bondi, procureur général des États-Unis (l’équivalent de ministre de la Justice), s’est saisie de la question, parlant de « terrorisme intérieur ». La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, s’en est directement prise à l’opposition. « Les démocrates étaient de fervents partisans de Tesla et des véhicules électriques jusqu’à ce qu’Elon Musk décide de voter pour Donald Trump. Nous aimerions donc qu’ils condamnent eux aussi ouvertement ces violences odieuses. »
En fait de condamnation, les démocrates se délectent du spectacle. Il y a l’ex-candidat à la vice-présidence, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, qui donne une série de meetings à travers le pays (il n’exclut pas de se présenter à la présidentielle de 2028). Sortant son iPhone de sa poche, l’ancien colistier de Harris s’est réjoui, mardi, lors d’une réunion publique dans le Wisconsin, des déboires de la marque. « J’ai cette petite application sur mon smartphone qui me donne les cours de Bourse. J’y ai ajouté Tesla pour me donner un petit coup de fouet pendant la journée », a ironisé Walz, conseillant à ceux qui en possédaient une « d’enlever avec du fil dentaire le logo » sur leur voiture. Elon Musk n’a pas tardé à répliquer sur X : « Parfois, quand j’ai besoin d’un petit coup de fouet, je regarde le portrait de J. D. Vance à la Maison-Blanche et je remercie le Seigneur ! »
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Deux millions d’Américains possèdent une Tesla et l’immense majorité est loin d’être fan de Trump
Autre star du Parti démocrate et possible candidat à la succession de Trump dans trois ans, le sénateur de l’Arizona Mark Kelly s’est mis en scène cette semaine en revendant sa Model S. Musk l’avait traité de « traître » après que l’ex-astronaute avait publié un tweet dans lequel il disait : « Nous ne pouvons pas abandonner le peuple ukrainien ! » L’échange d’amabilités continuait. Kelly répondait : « Je ne veux pas conduire une voiture construite et conçue par un connard ! » et revenait quelques jours plus tard devant la caméra vanter son nouvel achat, un Chevrolet Tahoe Z71, un V8 de 6,2 l de cylindrée, de plus de 400 chevaux, certes fabriqué aux États-Unis, mais pas vraiment raccord avec les ambitions de réduction d’émissions de CO2 affichées par les démocrates.
Chantage et délation
Cette croisade bobo anti-Musk, version de la lutte des classes entre villes et campagnes, a pris une tournure plus inquiétante avec la publication, sur un site anonyme, des coordonnées (adresse, mail, téléphone) de propriétaires de Tesla. Dogequest – le nom de l’url est une allusion au département de l’Efficacité gouvernementale, dont Musk a la charge – met en ligne une carte des États-Unis où l’on peut naviguer à l’aide d’un curseur en forme de cocktail molotov. Le site promet d’effacer les informations des propriétaires de Tesla s’ils fournissent la preuve qu’ils ont vendu leurs véhicules. Deux millions d’Américains possèdent une Tesla et l’immense majorité est loin d’être fan de Trump. Mais pour cet activisme, qui rappelle les excès du mouvement Black Lives Matter, la frontière entre bien-pensance et terrorisme ne tient qu’à un fil de recharge.
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