« J’atterris dans les prochaines minutes à Washington pour la rencontre la plus importante pour le futur de mon pays. Le monde va entendre l’appel de l’Irlande. » Par cette phrase publiée sur son compte Instagram lundi après-midi, jour de la Saint-Patrick, la star du MMA (mixed martial arts, un sport de combat devenu très populaire) Conor McGregor a réussi à attirer l’attention du monde entier. Quelques heures plus tard, le double champion de MMA se trouvait dans la salle de presse de la Maison-Blanche afin de prononcer un discours très politique : « L’Irlande est en train de perdre son identité, je suis ici pour discuter de ce sujet avec le président Trump et son équipe. »
Celui que l’on surnomme le « Notorious » ne restera pas longtemps en salle de presse. Une rencontre de plusieurs minutes avec Donald Trump et Elon Musk l’attend. Largement relayée sur le compte Instagram de la Maison-Blanche, elle a relancé les spéculations sur son désir d’être candidat à l’élection présidentielle de la république d’Irlande qui aura lieu au mois d’octobre prochain : « En tant que président, j’aurai le pouvoir de convoquer le Parlement et de le dissoudre. J’aurai toutes les réponses pour le peuple d’Irlande. L’Irlande a besoin d’un président entièrement dédié à sa cause. C’est moi. Je suis le choix logique. 2025 est devant nous », écrivait-il au mois de novembre sur le réseau social X.
Repartagé des milliers de fois, le post avait provoqué la joie de dizaines de militants de l’extrême droite irlandaise, qui n’hésitent désormais plus à appeler l’ancienne star de l’UFC « notre président » sur les réseaux sociaux. « Historiquement, l’extrême droite en Irlande est un mouvement politique qui n’existe pas. Ils n’ont à l’heure actuelle aucun élu au Parlement. Il n’y a aucun parti qui se réclame d’extrême droite dans le pays. En revanche, on constate dernièrement un intérêt énorme pour les thèmes que ses partisans défendent. Conor McGregor, avec ses milliers d’abonnés et sa capacité à exciter les foules, pourrait faire grandir ce mouvement », explique Ciaran O’Connor, analyste politique irlandais.
Ses soutiens, Conor McGregor les amasse pour le moment dans son quartier d’origine, le Crum-lin, à Dublin, dans la capitale irlandaise. Ce quartier de la classe ouvrière est composé de maisons de briques rouges aux devantures vieillissantes. Connu pour le trafic de drogue et pour être le repère du cartel Kinahan, l’un des gangs les puissants d’Europe, il est également le lieu où le Notorious a donné ses premiers coups de poing. Pour trouver son plus fidèle supporter, il faut se rendre au Crumlin Boxing Club situé entre un stade de foot et la piscine du quartier. À l’intérieur, Phil Sutcliffe, son premier entraîneur, distille ses conseils à des jeunes du quartier. Engagé en politique en tant qu’élu local, il faisait partie de la petite délégation que le Notorious a amenée dans ses bagages au pays de l’Oncle Sam en janvier dernier, à l’occasion de la cérémonie d’investiture de Donald Trump : « On a rencontré du beau monde et créé des contacts pour la suite, je pense que ces gens pourront nous aider s’il décide un jour de se lancer. » Même si, à l’entendre, son ancien élève n’a pas encore pris sa décision : « Il est très occupé avec ses différents business. Il a encore deux combats à faire dans son contrat avec l’UFC [la plus importante organisation de MMA, ndlr]. On verra ce qu’il fait, mais il veut médiatiser certains sujets et porter la voix du peuple d’Irlande d’une manière ou d’une autre. »
« L’Irlande a besoin d’un président entièrement dédié à sa cause. Moi »
Au Crumlin, où il a décidé de réinvestir une partie de sa fortune colossale, ils sont nombreux à le soutenir. Sur Drimnagh Road, la route qui traverse le quartier d’est en ouest, impossible de manquer le Black Forge Inn. Ce pub où le double champion de MMA enfilait autrefois ses premières vodkas est devenu le sien, mais surtout le lieu où ses fans et amis se retrouvent. Assis au comptoir ce jour-là, Niall O’neill, habitant du quartier et voisin d’enfance du Notorious, est convaincu que le propriétaire des lieux est l’homme dont l’île de James Joyce a besoin : « Il est du quartier, c’est un homme du peuple. Il a longtemps vécu avec trois fois rien, il sait de quoi il parle, pas comme tous les politiciens récents qui ne connaissent absolument pas la vie des gens ordinaires. » Pour lui, comme pour beaucoup de personnes rencontrées dans le quartier, le sujet de conversation quotidien peut se résumer ainsi : la crise du logement.
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Célèbre pour être le pays où les Gafam ont implanté leurs sièges sociaux européens, l’île a fait face ces dernières années à un accroissement de sa population, qu’elle n’a pu compenser en matière de constructions. « C’est le sujet le plus débattu en Irlande. Dans le même temps, les différents gouvernements irlandais ont accueilli beaucoup de réfugiés ukrainiens et d’autres pays. Depuis, on a assisté à des manifestations régulières contre l’immigration, car une partie de la population, en partie la plus vulnérable, a l’impression que le pays n’a pas les moyens d’accueillir autant de monde », explique Ciaran O’Connor.
Bien que toujours populaire dans son quartier d’origine, le Notorious a très mauvaise réputation dans le reste du pays
En homme du peuple, le Notorious a flairé le coup. Pas une semaine ne passe sans qu’il apporte son soutien aux manifestations anti-immigration, dénonce les politiques du logement mises en place par les différents gouvernements ou lance des polémiques sur la supposée corruption des élites irlandaises via son compte X. Si ses posts rencontrent un certain écho en ligne et dans une partie de la population locale, sa candidature éventuelle est, pour beaucoup de politiciens irlandais, tout sauf une évidence. « Elle ne m’inquièterait absolument pas, bien au contraire. Il n’est pas le premier millionnaire qui essaie de devenir président. Mais ce n’est pas facile. Il faut faire une campagne de plusieurs mois, répondre à des questions sur tous les sujets et accepter de débattre chaque semaine sur des émissions de TV et radio », détaille Barry Ward, député Fine Gael. Mais pour le député, c’est une règle inscrite dans la Constitution irlandaise qui empêchera sans doute l’ancienne icône du MMA de franchir le pas. « Pour pouvoir être candidat, il faut obtenir le soutien d’au moins vingt députés et quatre élus locaux. À l’heure actuelle, il n’y a aucun élu au Parlement qui représente ses idées. Je peux me tromper, mais je connais peu de politiciens qui aimeraient être un jour représentés à l’étranger par quelqu’un qui dernièrement a plutôt fait honte à notre pays. »
Bien que toujours populaire dans son quartier d’origine, le Notorious a très mauvaise réputation dans le reste du pays. En cause, ses multiples frasques nocturnes, mais aussi et surtout sa condamnation récente. Le 22 novembre dernier, un jury de douze personnes l’a reconnu coupable de viol dans une affaire remontant à 2018. Condamné à verser plus de 150 000 euros de dommages et intérêts à la plaignante, Nikita Hand, il a décidé de faire appel. Un appel qui sera étudié par la justice irlandaise dans les prochains mois, et qui pourrait décider de l’éventuel début en politique de l’ancienne star du MMA.
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