
En ce dimanche 21 mars 1993, la France vote, et elle sait, la France, pour qui elle va voter. C’est le premier tour des élections législatives. « La cohabitation est déjà au fond des urnes », titre le JDD. Et Christian Sauvage écrit : « D’habitude, dès l’élection annoncée, on attend les résultats, cette vérité qui sort des urnes dans sa troublante simplicité. Aujourd’hui, aucun suspense. Les résultats ont été annoncés avant le lever de rideau de la campagne et rabâchés ensuite, de sondage en sondage. »
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Est-il nécessaire de voter encore ? Certains vont jusqu’à se poser la question. Mais ne serait-ce que pour le civisme, la réponse est évidemment oui. Et puis, on saura ce qu’il en est de l’effondrement annoncé du Parti socialiste, de l’ancrage éventuel écologiste, de la concurrence RPR-UDF et de quelques autres évolutions.
Est-il nécessaire de voter encore ?
Ce qui est écrit, c’est la défaite socialiste. Le bilan « rose » est calamiteux : trois millions de chômeurs, une montée de l’exclusion sociale, une conjoncture très morose, l’usure du pouvoir qui atteint le président Mitterrand en place depuis douze ans, l’accumulation des affaires (Urba, Habache) et, de surcroît, les interrogations sur la responsabilité du gouvernement dans le drame du sang contaminé. Le PS est au bord de la débâcle, et c’est à l’évidence la fin d’une époque. Quoiqu’il arrive, François Mitterrand ne peut espérer écarter de ses lèvres la coupe amère de la cohabitation, d’une cohabitation autrement plus difficile que celle de 1986.
Jacques Chirac a précisément posé le problème du départ anticipé du chef de l’État. Mais très vite, la garde rapprochée du président, Pierre Bérégovoy, en poste à Matignon depuis avril 1992, et Roland Dumas, est montée au créneau pour défendre l’homme et la fonction. Tandis qu’Édouard Balladur, Premier ministre virtuel et naturel, s’employait à calmer le jeu. Tenir le choc est le nouveau credo du président. L’ampleur de la défaite socialiste sera pourtant plus grande encore que prévu. Sur les 577 sièges de l’Assemblée, la majorité présidentielle n’en conservera que 67, et le PC, 24. L’Assemblée sera la plus à droite qu’ait connue la France depuis plus d’un siècle (207 sièges pour l’UDF, 242 pour le RPR et 36 pour Divers droite).
Plus à droite que la Chambre bleu horizon en 1919 après la guerre, et davantage encore que l’Assemblée sortie des urnes en juin 1968. Les « barons » socialistes seront frappés de toutes parts. Ainsi Michel Rocard qui perdra son siège dans les Yvelines, ou Lionel Jospin qui ne parviendra pas à reconquérir le sien en Haute-Garonne. En aparté, Pierre Bérégovoy a soufflé : « Nous ne nous en remettrons pas ! » En l’espace d’une législature, les socialistes auront perdu près de la moitié de leurs électeurs. Ils commencent leur marche dans le désert, sans étoile ni Moïse pour les guider.
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