Le Trump Circus bat son plein à la Maison-Blanche, ce bazar improbable qui se transforme, selon l’heure de la journée, en concession automobile pour voitures électriques aux ventes en chute libre (Tesla) ou en QG opérationnel de guerre commerciale mondiale. Les tarifs punitifs remplacent les missiles de croisière : le tir est tous azimuts, du Mexique à l’Europe en passant par le Canada, la Chine et bientôt l’Inde et le Japon. +10 %, +25 %, +50 % pour les produits qui oseraient rentrer dans le marché américain. Record – temporaire – obtenu par les vins et champagnes français, menacés de 200 % de taxes.
La raison profonde de cette guerre à outrance – avec ou sans s ? Une erreur de raisonnement qu’un élève de terminale ES ou STMG ne ferait pas. Dans l’esprit binaire du président Trump, l’économie est un jeu à somme nulle (on perd ou on gagne), et un déficit commercial américain signifie que les partenaires de l’Amérique s’enrichissent « sur le dos » des États-Unis, et qu’il faut donc corriger… et punir. La réalité est tout autre : grâce au dollar, monnaie de réserve mondiale, qui leur permet de s’endetter à l’infini, les États-Unis peuvent consommer plus que ce qu’ils ne produisent. Et importer plus que ce qu’ils n’exportent. Ignorant de l’histoire, notamment économique, Donald Trump ne sait pas que ce sont justement les guerres commerciales transatlantiques dans les années 1930, initiées par les Américains, qui ont fait basculer le monde dans la Deuxième Guerre mondiale (loi Hawley-Smoot appliquant des tarifs de 52 % sur 20 000 produits).
Les indices sont éloquents
La présidence Trump avait démarré avec de vraies promesses d’enrichissement pour l’Amérique : en moins de deux mois, l’économie américaine plonge vers la récession, aggravée par une inflation accrue, du fait de cette guerre commerciale – et des licenciements aveugles dans la fonction publique américaine, qui créent des dizaines de milliers de chômeurs inattendus. Elle a même un nom : la Trumpflation.
Comment arrêter ce cirque mortel pour l’Amérique et pour nous-mêmes ? Justement en convoquant l’économie, ou plutôt la finance parce qu’elle va plus vite, pour siffler la fin de partie. Et retrouver le meilleur de l’Amérique, celui des Reaganomics : la confiance en soi et en l’avenir, le libre-échange, la prospérité partagée. La paix. Or, autant les réalités économiques et diplomatiques sont lentes à mettre en œuvre et difficiles à piloter, autant des ordres de Bourse sont instantanés, à effet immédiat, souvent radicaux lorsqu’ils sont massifs et simultanés. Face au cirque de Donald, opposons la toute-puissance des marchés financiers. Les investisseurs mondiaux, en particulier américains, n’ont pas attendu cette chronique pour se délester de leurs expositions à l’économie américaine : d’abord, parce que les actions américaines sont notoirement surévaluées. Le PER (« Price earning ratio ») de Case-Schiller, qui mesure le multiple moyen des résultats des actions américaines sur les dix dernières années, n’a jamais été aussi haut que depuis la bulle Internet (37 x) ; depuis l’élection de Donald Trump, le Russell 2000, l’indice boursier de l’économie américaine « profonde », celle qui n’est pas sur la côte Ouest ou à New York mais avec les ETI et PME familiales américaines, s’est effondré de 18 %. Les fondations de l’économie américaine, employant une large base de l’électorat populaire de Trump, sont en train de fléchir.
Que faire ?
En France, une variation négative des indices boursiers n’intéresse que les personnes assez fortunées pour avoir des actions, ou les spécialistes. Aux États-Unis, c’est un drame national : 70 % des 260 millions d’Américains adultes détiennent un plan « 401-k », équivalent de nos contrats d’assurance vie, mais en actions. Ces plans représentent l’essentiel de leur retraite future.
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Alors que faire, de notre côté, pour aider les Américains à mettre un terme à cette spirale d’échec ? Il faut d’abord se protéger. Encourager les pays occidentaux à annuler leurs commandes de chasseurs F35 (ceux qui sont censés porter la bombe nucléaire) tant que Donald Trump continue de s’aligner sur la Russie de M. Poutine. Le Canada vient d’annoncer étudier cette option de près. La Pologne, la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Suède, l’Allemagne en ont à peu près 400 à annuler (plus de 30 milliards de dollars). De même, le plongeon des ventes des Tesla dans le monde, directement lié à l’image d’Elon Musk, principal soutien de Donald Trump, va amener des changements de direction politique, surtout s’il est accentué.
L’Amérique n’est riche et puissante qu’avec ses alliés occidentaux, pas contre eux
Les entreprises européennes, et d’abord françaises, recourant usuellement à des cabinets d’avocats, banques d’affaires, cabinets comptables, conseils en stratégie américains vont pouvoir s’orienter vers des alternatives européennes, souvent meilleures et plus sûres pour la protection de leurs données (le Patriot Act américain envoyant toutes leurs données confidentielles à Washington). Ces chutes de revenus ne manqueront pas de sonner l’alarme à New York, ville de Donald Trump, et Washington.
L’économie est un jeu sérieux
Tout cela sera utile, mais prendra du temps. À l’inverse, puisque les dix premiers gérants de fortune européens (le numéro un étant un Français) gèrent plus de 10 000 milliards de dollars d’actifs, dont un volume très important d’actions américaines (les épargnants européens investissent chaque année 300 milliards d’euros en dehors d’Europe, essentiellement en actions et obligations américaines), une vente en masse d’actions américaines de leur part aurait un effet spectaculaire sur la bourse américaine. Et donc sur le moral de 180 millions d’Américains détenteurs de plans « 401-k ». Face à ce krach, qui sera temporaire – les fondamentaux du marché américain demeurent très attractifs, et pour longtemps –, on peut facilement anticiper la réaction d’un Donald Trump, qui se moque de tout sauf de l’argent, et de sa réputation de « money-maker », plutôt que de « loser ».

D’abord, il râlera. Menacera l’Europe de tout et son contraire. Mais sa parole, de moins en moins crédible (à l’entendre, il est prêt à faire la guerre au Canada, au Mexique, au Panama et au Groenland en même temps), fera place à l’acceptation de la réalité : l’Amérique n’est riche et puissante qu’avec ses alliés occidentaux, pas contre eux. L’économie mondiale n’est pas un jeu à somme nulle, avec des gagnants ou des perdants. C’est un jeu très sérieux, où tout le monde gagne en même temps – importateurs et exportateurs, riches et pauvres, Nord et Sud, grâce à une croissance et une confiance partagées. Ou alors, tout le monde perd en même temps parce que chacun voit en l’autre un adversaire à abattre, et le monde part en guerre pour solde de tout compte. L’Amérique mérite mieux. Nous aussi. Il est temps de vendre l’Amérique et d’investir en Europe, en attendant que la raison revienne à la Maison-Blanche.
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