
Cette superbe blonde longiligne, aux cheveux crantés et aux yeux de biche, cultive l’élégance des femmes fatales de l’âge d’or d’Hollywood. Un rien insaisissable, elle semble sortir d’une autre époque. Ce qui est d’ailleurs un peu le cas. Renata Litvinova a quitté la Russie, son pays natal, après l’invasion de l’Ukraine, pour une nouvelle vie à Paris. On peut la découvrir sur la scène du théâtre Hébertot dès aujourd’hui, dans Monstre sacré, une pièce qu’elle a écrite et mise en scène. 70 % du spectacle est joué en français, le reste en russe sous-titré.
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Elle y interprète une ancienne star, recluse dans son luxueux manoir dont l’intérieur ressemble à un décor de cinéma. Elle se remémore les heures glorieuses de son passé et rêve de revenir sous les feux de la rampe, coincée entre un passé révolu et un avenir imaginaire. Mais à quel prix ? Avec à ses côtés son confident, prêt à tout pour cette femme dont il est secrètement amoureux, y compris à l’aider dans ses basses besognes. On pense évidemment à Sunset Boulevard, le film de Billy Wilder de 1950, à laquelle la pièce rend hommage. « C’est un thriller noir, une comédie et aussi une histoire d’amour avec un meurtre, raconte la comédienne. Je suis avant tout une réalisatrice, alors vous verrez un spectacle théâtral cinématographique plus qu’une pièce. »
L’actrice russe aimerait travailler avec Fanny Ardant
Si elle est encore méconnue en France, Renata Litvinova est un vrai monstre sacré, bien au-delà de la sphère russophone. Scénariste, réalisatrice, actrice, elle est aussi animatrice pour la télé où elle a présenté des émissions sur l’histoire de la mode et sur le cinéma, mannequin également. C’est d’ailleurs le directeur artistique de chez Balenciaga, Demna, l’un de ses amis proches, qui a créé les robes qu’elle portera sur scène, chacune conçue pour une seule représentation. « Ce qui me frappe chez elle, c’est sa folie, confie Nicolas Briançon qui joue à ses côtés. Il y a quelque chose dans l’âme russe de formidablement joyeux et désespéré à la fois, avec une forme de résignation qui me fascine. Ils sont si proches et si lointains de nous. Renata porte cela en elle. »
Née à Moscou, la jeune femme rejoint, après le bac, à l’âge de 17 ans, une agence de mannequins pour payer ses cours du soir en langues étrangères à l’université. Mais, depuis toute petite, elle invente des histoires et rêve de devenir scénariste. Elle postule sans y croire au VGIK (Institut national de la cinématographie) et réussit à sa plus grande surprise aux examens. « C’était un cercle très fermé. Pour y rentrer, il fallait déjà faire partie du milieu. Et être une femme n’arrangeait rien. Les femmes pouvaient être critiques de cinéma, pas scénaristes. » Mais il en faut plus pour la décourager.
Quand elle écrit ses premiers scénarios, elle ne pense pas passer devant la caméra. Mais la réalisatrice ukrainienne Kira Mouratova l’invite à interpréter le rôle qu’elle a écrit. « Elle est la première à m’avoir montré que je pouvais être auteur et actrice en même temps. » Elle a depuis multiplié les rôles et réalisé trois longs métrages : Déesse : comment je suis tombée amoureuse (2004), Le Dernier Conte de Rita (2011) et Le Vent du Nord (2021) qui partagent une même étrangeté fantastique et un même onirisme.
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À Paris, Renata Litvinova ne manque pas de projets. Elle aimerait bien monter du Tchekhov et termine l’adaptation sur grand écran de Cactus, la première pièce qu’elle a jouée en France. Elle a rencontré un autre monstre sacré, Fanny Ardant. « Elle est fantastique ! Elle a vu mon dernier film, Le Vent du Nord, et m’a confié avoir pleuré à la projection. C’est une actrice immense. On aimerait beaucoup travailler ensemble. »
« Monstre sacré », au théâtre Hébertot (Paris 17e). 1h50. Jusqu’au 25 mai. theatrehebertot.com
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