
Le musée Picasso est de retour avec une exposition thématique dont il a le secret. En s’attaquant à un sujet méconnu : l’art « dégénéré », une expression employée par les nazis pour qualifier les peintures et les sculptures qui contrevenaient à leur idéologie. « Il est un obstacle au dessein du national-socialisme, note le commissaire Johan Popelard. Il faut faire place nette pour le grand projet esthétique et politique d’Adolf Hitler, qui veut rendre à la race allemande sa pureté initiale, rompre avec le brassage et le métissage, et éliminer tous les éléments exogènes qui peuvent avoir une influence néfaste et dangereuse. Les œuvres ici présentes sont les témoins matériels de cette histoire. »
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En l’occurrence, il ne s’agit pas de celles spoliées aux juifs victimes de persécution, mais de la campagne d’exclusion et d’élimination de l’art moderne au sein des musées germaniques, s’étalant de l’accession au pouvoir du Führer en 1933 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. « Plus de 1 400 artistes sont insultés, livrés à la vindicte, limogés, interdits de travailler, menacés physiquement, contraints à l’exil ou déportés, poursuit-il. À l’instar d’Otto Freundlich, ami de Pablo Picasso, raflé et assassiné au camp d’extermination de Sobibor en 1943. »
À l’époque, les musées nationaux sont pionniers et très audacieux, en procédant à l’acquisition de pièces signées Marc Chagall, Vincent Van Gogh, Vassily Kandinsky, Paul Klee ou Oskar Kokoschka, afin de garnir les collections publiques. Une fois leurs directeurs démis de leur fonction, la purge est ordonnée pour confisquer et réquisitionner plus de 20 000 numéros, voués à la destruction, réunis dans une rétrospective infamante inaugurée à Munich en 1937 pour provoquer le dégoût du public, destinés à la vente pour enrichir le IIIe Reich et contribuer ainsi à l’effort de guerre. Une commission identifie ce qui est exploitable économiquement !
Mais face au parcours hétéroclite décliné par le musée Picasso, on est frappé par la variété des propositions et la difficulté pour les nazis d’établir des critères précis pour définir le fameux corpus « dégénéré » et des listes d’artistes à bannir, puisque leur style évolue au cours de leur carrière. L’opération massive d’épuration est pilotée par Joseph Goebbels lui-même, ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande. On mesure alors à quel point toutes les œuvres rassemblées dans les salles parisiennes, « accusées de corruption et d’anéantissement de la culture allemande », ont échappé au pire.
« L’Art ‘‘dégénéré’’ ». Jusqu’au 25 mai. museepicassoparis.fr
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