La scène n’a duré que quelques minutes. Il est 10h45 en ce début du mois de mars quand deux individus surgissent dans la boutique SFR du centre commercial des 4 Temps à la Défense sur la commune de Puteaux. Visages dissimulés, l’un tient en respect avec une arme de poing les six employés présents quand l’autre se fait remettre dans un sac une trentaine de téléphones portables dernier cri.
Avant même d’avoir déclenché l’alerte, les voilà repartis le butin sous le bras en direction de la cité Pablo-Picasso, à Nanterre, au pied des tours du quartier d’affaires. Aucun coup de feu n’a été tiré, mais les victimes sont sous le choc. Les policiers extraient très rapidement les images de vidéosurveillance et les diffusent à l’ensemble des services locaux. Selon les informations du JDNews, l’un des deux auteurs est interpellé à 14h10 par la compagnie de sécurisation et d’intervention (CSI) des Hauts-de-Seine. À quelques encâblures d’un point de deal.
Quelques jours plus tôt, la même scène s’était jouée à Versailles dans un magasin de téléphonie qui vend exclusivement des produits Apple. Un braquage express commis en plein centre-ville par deux motards casqués qui n’ont pas hésité à exhiber un pistolet pour intimider les employés et les éventuels clients un peu trop téméraires.
Des préjudices élevés
Fin décembre, c’était à Suresnes, dans une boutique Bouygues Telecom. Opération coup de poing : vingt-cinq téléphones volés, pour un montant de 20 000 euros. « Les préjudices peuvent atteindre des chiffres importants en raison de la valeur des téléphones, environ 1 500 euros pièce. Il suffit d’en voler une trentaine pour dépasser une valeur marchande estimée à plus de 50 000 euros », rapporte une source policière.
Selon un décompte de la préfecture de police transmis au JDNews, si le nombre de braquages visant ces commerces au sein de l’agglomération parisienne est en baisse l’année dernière (− 41 %), il reste à un haut niveau avec 31 enregistrés en 2024, contre 51 en 2023. L’effet Jeux olympiques retombé, le début de l’année est à nouveau reparti à la hausse avec huit vols à main armée dans des boutiques de téléphones recensés sur les deux premiers mois de l’année. Même tendance observée sur les cambriolages : 27 faits en 2024, contre 32 en 2023, mais déjà 4 faits comptabilisés sur les deux premiers mois de l’année.
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Les mis en cause sont plutôt jeunes et écument l’Ouest parisien à la recherche de smartphones faciles à écouler. « Entre 16 et 22 ans », rapporte un enquêteur qui les surnomme les « bébés-braqueurs ». « Ils font partie de ce qu’on appelle le banditisme de cité. Certains montent au braquage en ayant consommé du protoxyde d’azote », poursuit cette source. Ce gaz hilarant a un effet très rapide leur apportant des distorsions sensorielles et euphorisantes recherchées pour contrebalancer l’adrénaline du braquage. « Les téléphones sont revendus ou mis à l’abri très rapidement dans des circuits de recel de sorte qu’il est difficile de mettre la main sur la marchandise sauf si c’est en flagrant délit », poursuit cette source.
Et quand ce n’est pas en plein jour, c’est la nuit que les malfaiteurs tentent leur chance. Le 4 mars, à 2h35 du matin, l’alarme du magasin de téléphonie iServices s’est déclenchée. L’agence de télésurveillance a immédiatement prévenu la police. Sur place, les fonctionnaires identifient un véhicule de type VTC avec cinq individus à bord en train de quitter les lieux. La voiture est interceptée. À l’intérieur, une centaine de smartphones. Préjudice estimé à plus de 100 000 euros.
« Les banques et les bijouteries sont très difficiles à braquer en raison des sas de sécurité. Les commerçants de proximité n’ont presque plus de cash puisque tout le monde paie de plus en plus par carte bancaire. Les magasins de téléphones sont un des rares endroits où il y a de la valeur sans dispositif de protection important », décrypte un commissaire de police.
La justice à la peine
Afin d’enrayer le fléau, les boutiques déploient des vigiles pour dissuader les intrusions. Dans les centres commerciaux, les responsables sûreté sont sensibilisés par les opérateurs aux risques de violences spécifiques sur ces commerces. La boutique Orange de Montélimar, ciblée à trois reprises en fin d’année dernière, a même apposé des affiches pour faire renoncer les malfaiteurs : « Les téléphones volés sont rendus inutilisables. » Selon un décompte du syndicat CFE-CGC, 59 braquages ou cambriolages ont été commis depuis le 1er janvier 2023 dans des boutiques Orange, soit plus de 10 % des 500 points de vente de l’enseigne.
La justice peine à prendre la mesure du phénomène. Alors qu’un vol à main armée est considéré dans le Code pénal comme un crime passible de vingt ans de prison, les braquages dans les magasins de téléphone sont souvent correctionnalisés. Ce fut le cas pour le braquage le 12 décembre dernier d’une boutique SFR au centre commercial Leclerc de Viry-Châtillon. Quatre hommes, vêtus de noir, gantés et encagoulés, ont menacé l’employé avec un couteau et une arme de poing avant de s’emparer d’une trentaine d’iPhone. L’enquête a permis d’interpeller cinq suspects âgés de 16 à 18 ans.
Selon les informations du JDNews, le parquet a décidé de renvoyer les majeurs en comparution immédiate. La peine maximale encourue au cours du procès qui doit se tenir dans le courant du mois de mars a donc été divisée par deux. Au lieu des vingt ans, ils risquent désormais au maximum dix ans de prison.
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